Festival de Locarno | Critique : Invention

Après la mort soudaine d’un père conspirationniste, sa fille hérite du brevet de ce dernier pour un appareil médical expérimental. Intégrant les archives du défunt père de Callie Hernandez, Invention explore le processus du deuil d’un parent compliqué, la réalisation du film devenant elle-même une partie du processus.

Invention
Etats-Unis, 2024
De Courtney Stephens

Durée : 1h12

Sortie : –

Note :

LE PLAISIR D’ÊTRE ARNAQUÉ

Invention est un drôle de mélange entre fiction et documentaire. Au générique, le film se présente comme « un film de Courtney Stephens et Callie Hernandez ». Le scénario a en effet été écrit à quatre mains par les deux Américaines, mais seule la première endosse ici le rôle de réalisatrice. La deuxième apporte quelque chose de très personnel : Hernandez joue ici le rôle principal, la fille d’un inventeur du dimanche qui vient de décéder. Or, dans la vraie vie, le père de Callie Hernandez était bel et un bien un inventeur, et si la majorité du film est composée de scènes fictives jouées par des interprètes, plusieurs archives personnelles du vraie père d’Hernandez viennent ponctuer l’ensemble.

Cela pourrait avoir l’air d’un exercice thérapeutique, mais Invention est beaucoup plus loufoque que cela, et ce dès la première scène et sa référence à Alice aux pays des merveilles. Si l’ensemble possède le ton doux-amer des drames mumblecore fauchés, le scénario inventé par les deux créatrices possède un point de départ absurde traité avec le plus grand sérieux : l’unique chose que Callie hérite de son père est une machine secrète conservée dans une cave : « un dispositif de bien-être électromagnétique », c’est-à-dire un étrange mécanisme à la con supposé guérir de n’importe quoi. Monsieur Hernandez était-il un génie méconnu ou un escroc ?

Au début du film, Callie a l’air d’avoir une réponse claire à la question : son impayable mine pince-sans-rire tandis qu’elle est obligée d’écouter les fans illuminés de son père est l’un des meilleurs gags récurrents d’Invention. Mais le meilleur moteur de ce drôle de deuil est le surgissement récurrent d’émissions télés débiles et autres authentiques télé-achats où papa-charlatan est allé débiter ses trouvailles de complotiste face à des présentatrices aux brushings parfaits. Comparées au quotidien pluvieux de Callie dans la maison familiale vide, ces scènes réelles ont l’air plus folles et artificielles que n’importe quelle fiction. Au fil d’une structure narrative parfois bancale, derrière la musique lunaire digne de Charly Oleg, se dessine alors progressivement une touchante mélancolie. Comme si le plaisir d’être sciemment arnaqué pouvait devenir un lien social et familial, une preuve de chaleur humaine.

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par Gregory Coutaut

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