Festival de Locarno | Critique : Il Legionario

Daniel est le seul policier d’origine africaine du département de police mobile de Rome. Il doit participer à l’évacuation d’un immeuble occupé dans lequel vivent 150 familles. L’une de ces familles est la sienne.

Il Legionario
Italie, 2021
De Hleb Papou

Durée : 1h22

Sortie : –

Note :

DÉSINTÉGRATION

Daniel porte un t-shirt « Fuck the Police », et pourtant il fait partie des forces de l’ordre. Ses collègues CRS le vannent sur sa couleur de peau, et pourtant il est bien intégré dans cette équipe. Sa mère risque l’expulsion par sa faute et pourtant elle reste fière de lui. Il y a plein de « pourtant » dans Il Legionario, premier long métrage du cinéaste italien Hleb Papou. Le dilemme moral au cœur du scénario (Daniel se retrouve contraint d’expulser sa propre famille) pourrait donner lieu à bien des clichés sur l’héroïsme et la virilité. On imagine d’ailleurs d’ici l’éventuel remake français ou américain abêtissant. Avec son écriture fine, Il Legionario parvient au contraire à éviter à la fois les délires mascus et les sentiers trop rebattus.

La structure narrative d’Il Legionario demeure certes classique et l’histoire avance davantage grâce à des dialogues factuels que de la pure mise en scène. Le récit est néanmoins régulièrement rehaussé par un sens rafraichissant du détail (un autocollant smiley discrètement posé sur un casque de CRS) et de la nuance. Hleb Papou ne prend ni les spectateurs ni ses personnages pour des naïfs. Daniel, sa mère, ses collègues et tous les autres ont droit à leurs nuances et leurs contradictions. Plutôt que de filmer ses personnages en train de se débattre avec ce dilemme, Papou choisit de les filmer en train de s’en accommoder, bon an mal an. Et ça change tout.

Le résultat est un scénario étonnant où ,en quelque sorte, tous les personnages ont tort à leur manière. Il Legionario n’est pas un film social à sujet (même si le labyrinthe de l’intégration sociale est souvent présent en arrière-plan), et ne c’est pas non plus tout à fait un film policier, il déborde de ce cadre claustrophobe. C’est un film trop subtil pour avoir besoin de recourir à l’archétype du héros ou même d’un anti-héros. Surtout un flic. Papou délaisse d’ailleurs régulièrement son protagoniste ambigu pour plutôt filmer son entourage, il utilise le portrait de groupe pour mettre à égalité toutes celles et ceux qui seront impactés par la décision de Daniel, par l’action des forces de l’ordre. C’est dans l’élargissement et la multiplication de ces points de vue et ces contradictions que que le film déploie son intelligence et son ambition politique.

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par Gregory Coutaut

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