Otis, 12 ans, est un enfant-acteur à la carrière florissante. Mais l’équilibre du jeune garçon est menacé par la relation qu’il entretient avec son père, abusif et alcoolique.
Honey Boy
États-Unis, 2019
De Alma Har’el
Durée : 1h33
Sortie : –
Note :
CLOWN DE MES MALHEURS
Dès la première scène de Honey Boy, on est tel le protagoniste plongé dans un chantier digne d’un gigantesque désastre. Il s’agit du plateau de tournage d’un blockbuster musclé dans lequel vient d’avoir lieu une énorme explosion, et il s’agit aussi de la traduction du mental du jeune héros, prisonnier d’une relation toxique avec son père, lui-même en permanence au bord de l’implosion. Tel le héros projeté en arrière par un câble électrique censé traduire le souffle de la détonation, on est presque immédiatement happé à travers les époques à la recherche d’une explication. Comment en est-on arrivé à un tel désastre?
C’est pourtant loin des plateaux hollywoodiens qu’on avait découvert la talentueuse réalisatrice israélienne Alma Har’el. Elle s’était fait remarquer dans le circuit moins clinquant du cinéma indépendant avec l’onirique et ambitieux LoveTrue, un documentaire choral sur le sentiment amoureux, qu’elle avait tourné aux quatre coins des États-Unis. On retrouve ici des traces de sa mise en scène sensorielle, notamment dans sa manière qu’ont les différentes strates de récit (les lieux différents dans LoveTrue, les époques différentes dans Honey Boy) de se faire écho de façon émouvante. Mais Har’el n’est ici pas l’unique autrice du film.
Le scénario, largement autobiographique, est en effet signé Shia LaBeouf. Honey Boy raconte son enfance, alors qu’il faisait joyeusement le clown dans des productions pour enfants, et son apprentissage de jeune adulte, alors qu’il s’apprête à laisser les films de studios derrière lui, et qu’il entre par la même occasion en cure de désintoxication. Comment en est-on arrivé à ce désastre? A cause d’un père cinglé. Un père-clown censé gérer la carrière de son fils, mais qui ne contrôle plus rien et surtout pas lui-même. Un père aux abois, lui-même alcoolique, à la fois pitoyable et violent. Un père lourd comme un boulet à trainer toute sa vie.
Ce père, Shia LaBeouf fait le pari lui-même maboule de l’interpréter l’écran. Une décision qu’on imagine loin d’être anodine. Il y a alors une gêne à le voir insulter et presque torturer son propre personnage enfant, mais cette gêne n’est pas gratuite. Il est évident qu’il y a une catharsis puissante derrière ce jeu de rôle, et Alma Har’el trouve la distance juste pour la filmer : plus bienveillante qu’éprouvante, avec un rythme presque musical. Dans Honey Boy, les déclarations d’amour ressemblent à des menaces, et l’enthousiasme familial a toujours l’air de sonner un peu faux, mais il y a quelque chose de fort émouvant qui transperce dans cette relation père/fils au bord du chaos.
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par Gregory Coutaut