A voir en ligne | Critique : Hail Satan ?

Hail Satan ? nous propose de plonger dans l’univers particulier du Temple Satanique, fondé en 2013. Un temps considérés comme (au mieux) des provocateurs ou (au pire et plus généralement) de dangereux monstres qui mettent à mal la société, ses fidèles se chiffrent aujourd’hui à plus de 100 000 membres. Le Temple fut récemment officiellement reconnu en tant qu’église, et à ce titre n’hésite pas à manifester et exprimer ses opinions publiquement, au grand dam des institutions établies.

Hail Satan ?
États-Unis, 2019
De Penny Lane

Durée : 1h35

Sortie : –

Note :

AU SERVICE DE SATAN

Qui a peur du grand méchant loup ? Tel un diable de conte de fées, Satan hante les recoins de l’inconscient collectif américain. Il a eu le visage grimaçant et inoffensif du satanisme en carton-pâte période Jayne Mansfield ou bien celui des tueurs en série illuminés à la Charles Manson, et suscite encore une fascination morbide. Le satanisme d’aujourd’hui, celui défendu par ce Temple of Satan dont il est question ici, est très éloigné de ces monstres-là. Il a quitté les réunions privées et les rituels en cachette pour devenir une affaire publique, politique même.

Imaginez vivre dans un pays où, alors même que la constitution est censée garantir la séparation de l’Église et de l’État, il est en réalité presque impossible d’échapper à la religion dominante. Aux États-Unis, Dieu est partout, en filigrane dans chaque recoin de la société, jusqu’à l’absurde, de la cantine de l’école aux tribunaux, des journaux télévisés jusqu’au moindre billet de banque. Une omniprésence jamais remise en cause, comme celle du leader d’une dictature. Les mères au foyer du midwest et les présentateurs de Fox News sont d’ailleurs d’accord : oser être athée aux États-Unis c’est être déjà un rejeton du diable.

A quoi croient les nouveaux satanistes ? A cette fameuse séparation Église/État avant tout. Leurs actions, symboliques et toujours non-violentes, consistent à dénoncer par l’absurde chaque faveur dont bénéficie injustement le catholicisme américain, en demandant une contrepartie à la gloire de Belzébuth. On installe une statue des 10 commandements devant un bâtiment pourtant laïc ? Les Satanistes demandent à installer une statue de Satan à coté. Les activités extra-scolaires sont toutes vampirisées par les cathos ? Ils créent en réaction un catéchisme satanique.Et ainsi de suite, suscitant les réactions les plus outrées, mais aussi, dans le meilleur des cas, la réflexion.

A quoi d’autre croient-ils ? A la liberté individuelle, à la lutte contre les oppressions de l’État, à l’égalité en lettres majuscules : à la mixité, l’antiracisme, au féminisme et aux droits des personnes LGBT. Et à Satan? Eh bien justement… pas du tout. A la stupéfaction de tous ceux qui les rencontrent : aucun des membres ne croit à l’existence de l’Enfer et d’un démon cornu à sa tête. Satan est un symbole, le croque-mitaine ultime pour l’Amérique puritaine, il est l’avatar de l’oppression religieuse, récupéré pour mieux dénoncer cette dernière.

Absurde ? Pourtant ça marche. Le Temple rassemble des citoyens de bonne volonté à travers les états et même les pays. Leurs actions sont concrètes, obéissent au bon sens et au respect, et paraissent faire avancer la démocratie plus que bien des institutions. La réalisatrice Penny Lane laisse sciemment peu de place à la critique, n’interrogeant que peu les ex-membres qui en ont été exclus, et c’est peut-être la limite du film. Mais le portrait est si convaincant, si drôle et si juste, qu’on désire, tout comme elle l’a fait à la fin du tournage, adhérer nous aussi au Temple of Satan.


>> Hail Satan ? est disponible sur Mubi

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par Gregory Coutaut

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