Un journal kaléidoscopique d’horreur et de survie.
Gush
Etats-Unis, 2023
De Fox Maxy
Durée : 1h11
Sortie : –
Note :
L’EXORCISME
Par où commencer pour décrire avec justesse un film expérimental ? Peut-être par son titre, qui annonce ici la couleur sans pour autant donner toutes les clés. En anglais, gush signifie bouillonnement, et c’est un bon indice de l’intensité particulière dont fait preuve ici la cinéaste américaine Fox Maxy. Mais en argot, gush réfère aussi aux sécrétions féminines, et ce sous-entendu ne saute pas autant immédiatement aux yeux. Mais finalement qu’est-ce qui nous saute ici aux yeux en premier lieu ? Gush est un film à la narration libre qui mélange en un tourbillon d’une heure des images intimes glanées par la réalisatrice pendant une dizaine d’années, mixées avec des effets numériques contemporains presque subliminaux et une musique électro à la fois planante et tendue, le tout passé au filtre d’un montage furieux où aucun plan de dure plus de quelques secondes.
« Si vous ne parvenez pas à digérer, ce n’est pas mon problème, voici le seul plat que je vous propose ». En disant cela dans un haussement d’épaule, la réalisatrice parle en réalité de sa personnalité, mais la phrase pourrait tout aussi bien servir de slogan au film entier. Gush donne tout d’abord l’impression de n’avoir ni début ni fin mais il sait faire de l’œil, tel un Rubik’s cube qui nous mettrait au défi de venir le résoudre. Ce courant de conscience impétueux, qui passe du clip au found footage, pourrait avoir l’air épuisant mais se révèle étonnamment invitant, et c’est d’abord une question de rythme. Tel un ressac, Gush alterne en effet avec dextérité les effets stridents et apaisants, des pics d’intensité et des plages de relaxation, et à qui parvient à épouser son tempo étrange mais chaleureux, le film dévoile sa profondeur inattendue.
D’origine amérindienne, Fox Maxy a travaillé la question du corps et du territoire à travers plusieurs courts métrages, diffusés entre autres au Moma de New York ou au Festival de Rotterdam. Présenté en début d’année à Sundance puis cette semaine au prestigieux festival newyorkais New Directors / New Films, Gush est son premier long métrage. A travers sa structure libre toute en surgissements en en boucles répétitives, c’est la logique du traumatisme qu’épouse ici le film. La question de l’agression sexuelle n’est jamais abordée frontalement mais plutôt à travers un déluge de détails aux apparences faussement anodines (les paroles d’un tube de Robin S, un entretien télévisée entre Tyra Banks et Naomi Campbell). En dépit de cette violence, cette plongée immersive dans une psyché en quête de réponses ressemble moins à un cauchemar qu’à un exorcisme optimiste, porté par des formules incantatoires et des scènes de joie collective.
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par Gregory Coutaut