Festival de La Rochelle | Critique : Gunda

La vie quotidienne d’un cochon et de ses compagnons à la ferme : deux vaches et un poulet à une jambe.

Gunda
Norvège, 2020
De Viktor Kosakovskiy

Durée : 1h33

Sortie : prochainement

Note :

PEAU DE COCHON

C’est un adorable film sur les aventures de quelques animaux de la ferme. Des vaches qui paissent dans les hautes herbes, un poulet qui fièrement se dresse sur son unique patte… mais c’est surtout une histoire de cochons. Gunda s’ouvre sur une truie allongée, qui semble épuisée et pour cause : elle vient de donner naissance à une ribambelle de cochonnets. Très vite, un minuscule porcelet pointe le bout de son groin et faisant le plus mignon des bruits – c’est, sans aucune ironie, d’ores et déjà le plus beau plan de l’année.

Le Russe Viktor Kosakovskiy filme les premiers pas tremblotants des cochonnets, leurs siestes serrés les uns contre les autres, la bataille frénétique pour se nourrir et attraper une mamelle. Tout ce qui devrait être parfaitement commun est vu, à travers la caméra de Kosakovskiy, comme quelque chose d’extraordinaire. C’est une grande qualité de cinéaste que de nous donner à voir autrement des choses qu’on croit familières. Viktor Kosakovskiy pousse cette logique jusqu’au bout en filmant ces cochonnets comme des extraterrestres qui débarquent sur Terre et découvrent hébétés un nouveau monde, et les voir goûter la pluie est comme assister à un curieux miracle.

Le réalisateur, pour cela, effectue un effort bluffant de mise en scène (on se demande souvent comment certaines séquences ont pu être filmées avec une telle précision et une telle netteté) et un travail remarquable sur les différences d’échelles. Ce jour chez les cochons est une histoire toute simple ? C’est aussi, parfois, par son jusqu’au-boutisme, un récit expérimental et abstrait. C’est tout à fait mignon ? Oui, mais le film sait aussi parfois être brut.

Qu’est-ce qui au fond se trame à l’écran ? Gunda n’est pas qu’une chronique bucolique dans la ferme du bonheur. Le documentaire se déroule dans une ferme, et les animaux y sont exploités. La démarche de Gunda se situe à l’opposé des documentaires animaliers anthropomorphiques. Les animaux sont des animaux, ils ne parlent pas, et le film n’essaie pas de créer une projection complice entre les humains qui regardent et les bêtes filmées. Car, malgré la mignonnerie, il n’est in fine pas question de fantaisie dans Gunda. Le long métrage prend au sérieux la question de la dignité animale, comme il prend au sérieux le regard d’animaux qui semble croiser l’objectif de la caméra. La fin, honnête et poignante, pose les bonnes questions sans infantiliser le public. Voilà une expérience esthétiquement fascinante et qui, derrière son argument simple, se révèle être un puissant film politique.

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par Nicolas Bardot

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