Berlinale | Critique : Girls on Wire

Tian Tian et Fang Di, cousines, ont été élevées comme des sœurs jusqu’à ce que des difficultés familiales les séparent. Fang Di part travailler comme cascadeuse dans les plus grands studios de cinéma chinois afin d’éponger les dettes de sa famille. Tian Tian reste sur place, livrée à elle-même pour faire face à la dépendance de son père, et devient la proie de la mafia locale.

Girls on Wire
Chine, 2025
De Vivian Qu

Durée : 1h55

Sortie : –

Note :

SUR LE FIL

Dans Trap Street, premier long métrage de la réalisatrice Chinoise Vivian Qu, un jeune homme est chargé de faire l’inventaire des rues d’un quartier – or, il rencontre une mystérieuse jeune femme dans une de ces rues mais celle-ci ne figure sur aucune carte. Girls on Wire, troisième film de Qu, offre un autre type de perte de contact avec le réel. Cela commence dès le début du film avec une jeune femme torturée dans un décor à la lumière stylisée, hors du réel. Où peut-elle bien se trouver, à quelle époque ? Lorsqu’elle s’enfuit et sort, celle-ci se trouve tout simplement dans notre monde, aujourd’hui. Tian Tian part à la recherche de sa sœur, et commence alors une autre mise en abîme.

Fang Di (jouée par l’impressionnante Wen Qi, déjà à l’affiche du second film de Qu, Les Anges portent du blanc) est cascadeuse de cinéma. On assiste au tournage des scènes d’un wu xia pian : Fang Di, sabre à la main, s’apprête à s’envoler dans les airs et à prendre des poses assurées. Fang Di est alors une héroïne qui tue pour jouer, alors que dans la scène qu’on vient de voir, Tian Tian tue pour survivre. Voilà le trouble du décor déployé par Vivian Qu : Girls on Wire se déroule en bonne partie au sein de spectaculaires décors de cinéma dans lesquels les personnages portent des costumes et jouent des rôles, mais Tian Tian et bientôt Fang Di jouent réellement leurs vies.

Déjà dans son remarquable Les Anges portent du blanc, des filles bien trop jeunes pour la cruauté du monde devaient se serrer les coudes pour exister. Qu dépeint une solitude voisine dans Girls on Wire, et une sororité qui, comme l’illustre le début du film, n’est peut-être pas innée, mais semble être la seule issue face à la brutalité. Tian Tian a des dettes familiales à payer, Fang Di, sa cousine, est tout aussi impliquée, et le film dépeint le poids qui pèse sur les plus jeunes générations. Fang Di la cascadeuse s’envole, mais Fang Di est aussi plongée dans l’eau glacée, prise après prise, comme s’il s’agissait d’une séance de torture.

Avec une aisance pour le mélange de tons, Girls on Wire parvient à mêler motifs de film noir, drame social et même comédie. Les malfrats aux trousses des jeunes filles ont l’air d’être sortis d’un film et leur dimension grotesque peut être aussi bien drolatique que pathétique. Le monde et ses insurmontables épreuves est-il seulement encore réel ? Quelle vague va avaler les jeunes héroïnes ? Lors d’un plan saisissant, la caméra en plongée montre les cousines dans la mer, attendues et surveillées sur la plage par des hommes menaçants – il n’y a visiblement plus de place sur terre pour les jeunes femmes. Girls on Wire, à nos yeux, manque de fluidité narrative pour s’élever au niveau des Anges portent du blanc, mais voilà un drame visuellement inspiré, avec un point de vue, et suffisamment de sensibilité pour étreindre ses filles qui, comme le suggère le titre chinois, veulent voler.

| Suivez Le Polyester sur BlueskyFacebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article