Festival CPH:DOX | Critique : Girls & Gods

Inna Shevchenko part à la rencontre de femmes extraordinaires et inspirantes, dont certaines luttent contre la religion, d’autres défendent la religion tandis que beaucoup se battent pour réformer la religion. Elles sont tous unies par une conviction : les femmes sont magnifiques. Aucun dieu – ni dans le ciel ni sur la terre – ne peut les priver de leurs droits ou les subordonner aux hommes. 

Girls & Gods
Autriche, 2025
De Arash T. Riahi & Verena Soltiz

Durée : 1h45

Sortie : –

Note :

EN TOUTE BONNE FOI

Montré en première mondiale au Festival CPH:DOX, Girls & Gods s’ouvre par une œuvre réalisée par l’artiste autrichienne Ina Loitzl. Est-ce une vulve ou est-ce une langue qui est suspendue dans une église ? Le doute est en réalité assez faible et dès le départ, le documentaire réalisé par l’Iranien Arash T. Riahi et l’Autrichienne Verena Soltiz consacre au place centrale à l’activisme provocateur. Au cœur de Girls & Gods, il y a Inna Shevchenko, militante féministe ukrainienne et figure des Femen. Là aussi une figure discutée, accusée d’islamophobie – mais à vrai dire le documentaire n’est ni un film sur Shevchenko, ni sur les Femen. A travers sa présence à elle, le film ouvre une ample discussion sur les religions, l’instrumentalisation des religions, et la place accordée aux femmes, qu’elles soient athées ou croyantes.

La principale force de Girls & Gods est la confrontation d’avis contraires. Riahi et Soltiz ne déroulent pas un programme dicté par Shevchenko, au contraire cette dernière va à la rencontre de nombreuses femmes de par le monde – certaines qui s’accordent avec elle sur le pouvoir néfaste de la religion sur les femmes, d’autres qui sont profondément religieuses et questionnent à leur tour les convictions de l’activiste. « Porter le hijab m’a rendue libre » affirme une journaliste allemande, reliant la vision oppressive du voile à une conception féministe datée. Pendant ce temps, le film évoque le sort de Yasaman Aryani, jeune iranienne condamnée à l’emprisonnement pour avoir enlevé son hijab. Chacune de ces voix de femmes à l’écran compte, chacune est la pierre d’une mosaïque complexe : comment un rapport intime à la religion s’imbrique dans le monde, et comment le monde peut imposer des règles religieuses aux individu.es ?

Des pro-life catholiques aux Etats-Unis au pouvoir politique de l’Église orthodoxe en Russie en passant par des discussions sur le judaïsme et les femmes empêchées de divorcer, Girls & Gods examine chaque religion comme un outil de pouvoir. Le film se penche sur l’interprétation religieuse et la façon dont celle-ci est utilisée par les structures de pouvoir – quelle que soit la religion, quelle que soit la région du monde, et toujours au détriment des femmes. Le documentaire est enrichi par les paroles des premières concernées, qu’il s’agisse de théologiennes remettant en lumière le fait que les histoires religieuses ne suivent pas une simple ligne, de femmes qui ont renié leur religion (ou la religion qu’on leur a imposée), ou des femmes religieuses ayant parfaitement conscience des idées reçues condescendantes qui les visent et les réduisent. Cet espace féminin (on parle des hommes, de leur abus de pouvoir, de leur comportement à modifier, mais ceux-ci restent absents à l’image) offre une confrontation féconde ; ce sont des femmes différentes comme il existe différentes pratiques religieuses et différents féminismes. C’est là davantage un espace de questions que de réponses – mais dans un système patriarcal, l’une des réponses se trouve peut-être entre les mains des femmes, qu’elles soient imame ou rabbine, qui portent la voix religieuse.

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par Nicolas Bardot

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