
Mikal partage une chambre de motel avec ses parents, enlisés dans la pauvreté et leur dépendance aux substances. Malgré ce contexte familial troublé et chaotique, le garçon travaille bien à l’école, est aimé et rêve d’une vie meilleure. Plus que tout, Mikal souhaite que sa mère arrête de boire. Mais quelles conditions doivent être réunies pour qu’une personne change véritablement ?

Flophouse America
Norvège, 2025
De Monica Strømdahl
Durée : 1h20
Sortie : –
Note :
IL PLEUT DANS LA MAISON
La Norvégienne Monica Strømdahl est photographe et signe son premier long métrage avec Flophouse America, dévoilé en compétition au Festival CPH:DOX. Flophouse est un terme qui désigne une habitation à très bas prix, constituée d’un espace pour dormir et de commodités réduites. Strømdahl a vécu dans des flophouses lorsqu’elle était étudiante outre-Atlantique ; elle a plus tard pris des photos des habitant.es de ces lieux. C’est ainsi qu’elle a rencontré Mikals, le jeune héros de ce long métrage, et ses parents.
Au début de Flophouse America, Mikals, 12 ans, parcourt les couloirs de l’hôtel comme s’il faisait une partie de cache-cache. Mais il n’y a pas d’autre enfant avec lui, son jeu est solitaire et personne ne va le trouver. Mikals va à l’école mais la caméra de Monica Strømdahl se concentre sur cette chambre d’hôtel, laborieusement séparée en deux par un rideau qui évidemment ne protège d’aucune des régulières engueulades de ses parents – engueulades d’autant plus fréquentes et intenses que Jason et Tonya sont alcooliques. Ce lieu est filmé comme une prison sans ciel, avec une embarrassante promiscuité et un évier toujours rempli. La famille possède un beau chat, Smokey, qui occupe de nombreux plans du film. Sa seule présence souligne l’incongruité des situations (Smokey passe et regarde avec circonspection) ou le danger qui guette (Smokey essaie de s’échapper d’étreintes trop fortes).
La caméra de Monica Strømdahl filme de manière frontale (il n’y a guère la place pour faire autrement), mais finit parfois par s’échapper en suivant le chat ou en restant derrière le rideau auprès de Mikals. La réalisatrice, par on ne sait quel miracle, parvient à trouver ce qu’on pourrait appeler la bonne place : à la fois à distance et à proximité sans qu’on n’ait un sentiment de voyeurisme. De fait, Strømdahl filme des gens qui s’aiment, et se le disent, qui font de leur mieux même si c’est un échec. Cette empathie est une clef du film, et cela passe aussi par un regard honnête qui n’arrondit pas les angles. Les violences psychologiques sont minimisées par les adultes, le traitement réservé par une mère alcoolique à son fils est résumé par le père en un complaisant « vous ne vous entendez pas » tandis qu’une crise de nerfs de Mikals, poussé dans ses retranchements, est saisie de telle manière qu’on a le sentiment que la caméra va tomber en morceau face à la densité de la situation.
A l’intérieur de la flophouse, tout le monde est piégé. Le temps non structuré devient une boucle où l’on écoute les morceaux du Rocky Horror Picture Show en mode repeat. Quel avenir pour Mikals, quelles possibilités en termes d’éducation dans un pays comme les États-Unis ? Ironiquement, la tagline du poster des Schtroumpfs accroché au mur promet : « a whole new world awaits » – un tout nouveau monde vous attend. Vraiment ? Flophouse America a des airs de Florida Project mais sans les couleurs, sans l’espoir enfantin, car Mikals est déjà devenu trop grand pour les contes de fées. Après une bouleversante rupture, on aperçoit une ancienne photo de famille, où le père et la mère semblent être d’autres personnes. Puis encore une rupture et le ciel enfin apparaît à l’image, comme un possible souffle d’espoir qui investit l’écran. Les sentiments sont mêlés car il n’y a pas de happy end : lorsqu’on met un pied hors de la flophouse que représente cet hôtel, on reste dans cette flophouse géante que sont les États-Unis d’aujourd’hui.
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par Nicolas Bardot