
Enzo, 16 ans, est apprenti maçon à La Ciotat. Pressé par son père qui le voyait faire des études supérieures, le jeune homme cherche à échapper au cadre confortable mais étouffant de la villa familiale. C’est sur les chantiers, au contact de Vlad, un collègue ukrainien, qu’Enzo va entrevoir un nouvel horizon.

Enzo
France, 2025
De Robin Campillo
Durée : 1h42
Sortie : 18/06/2025
Note :
ENZO ENZO
Parmi tous les lieux où faire naître une histoire d’amour entre garçons sensibles, un chantier de travaux n’est sans doute pas le plus évident. Voilà un sympathique contrepied dans un film qui n’en comporte finalement pas tant que ça. Il y en a pourtant à se mettre sous la dent dans les scènes qui ouvrent le nouveau film de Robin Campillo. Lycéen en décrochage, Enzo traîne son jogging moche dans des chantiers où il bosse paresseusement, et on partage la surprise de son patron quand celui-ci le raccompagne chez ses parents et découvre une villa moderne particulièrement luxueuse. Se sentant en rupture avec le milieu bourgeois de ses parents, Enzo souhaite devenir maçon. Et comme si cela n’était pas assez étonnant, ses parents sont tout à fait d’accord, enfin surtout sa mère, agaçante à force de toujours savoir quoi dire (Elodie Bouchez, qui collectionne désormais les rôles de mamans cool).
Sur ce chantier où il cherche sa place au sens propre comme au figuré, Enzo le bougon se rapproche de Vlad, émigré ukrainien au charme solaire. Celui-ci va peut-être repartir dans son pays pour y combattre, mais son sourire permanent trahit plutôt une forme d’insouciance. Or le film ne s’appelle pas Vlad. Choisir de privilégier la rebelle adolescence d’un gamin tête à claques plutôt que la gravité de la situation d’un citoyen ukrainien est un autre contrepied, particulièrement gonflé et qui confine à vrai dire au mauvais goût. Ce qui n’est pas nécessairement un défaut. A vrai dire c’est même en s’approchant au plus près de cette frontière là que le film fait le plus preuve de personnalité, comme par exemple dans cette scène où Vlad n’est plus filmé que comme un playboy de pub pour parfum, avec la chaîne en or qui brille sur son torse poilu. Mais est-ce que tout ceci est sciemment pensé et maîtrisé ? Pas sûr.
Campillo a co-écrit le scénario d’Enzo avec Laurent Cantet, qui devait initialement le réaliser. Il est sans doute un peu trop facile de projeter ce que l’on veut sur cette situation, mais le résultat ressemble davantage à un film de Cantet que de Campillo. On retrouve en effet ici une manière de privilégier les dimensions sociologique des personnages plutôt que de les plonger dans quelque chose de romanesque. Enzo est comparable à ces nombreux films français qui semblent ne pas pouvoir s’empêcher de mettre du social partout, même si c’est pour ne rien dire, ne rien déranger trop brusquement.
A vrai dire, il y a un autre cinéaste français auquel on pense devant Enzo, c’est André Techiné. Le réalisateur du Lieu du crime se serait sans doute retrouvé dans ce récit tout en désirs et élans frustrés. Mais il aurait sans doute accentué avec bonheur l’aspérité de ces protagonistes immatures. A l’image du film dans son ensemble, Enzo et Vlad demeurent un peu trop lisse. Campillo ne manque pas de savoir-faire, tout cela est efficacement mené… mais mené où ? Le dénouement fait preuve d’élégance mais c’est la cellule familiale bourgeoise qui y est préservée avant tout. On aurait aimé ressentir de façon plus directe et contagieuse le trouble de cet amour impossible. On se retrouve plutôt face au confort facile (mais plaisant) d’un simple amour de vacances.
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par Gregory Coutaut