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Fernando, un jeune danseur de ballet mexicain, rêve de renommée internationale et de vie aux États-Unis. Croyant que son amante Jennifer, une mondaine et philanthrope, le soutiendra, il laisse tout derrière lui et échappe de justesse à la mort en traversant la frontière. Son arrivée, cependant, perturbe le monde soigneusement organisé de Jennifer. Elle fera tout pour protéger leur avenir ensemble – et la vie qu’elle s’est construite.
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Dreams
Mexique, 2025
De Michel Franco
Durée : 1h40
Sortie : –
Note :
CE N’ÉTAIT QU’UN RÊVE
Celles et ceux qui connaissent ne serait-ce qu’un peu la filmographie pas particulièrement rêveuse du cinéaste mexicain Michel Franco seront peut-être surpris•es par le titre de ce nouveau long métrage : Dreams. Mais parler de rêves ne signifie pas nécessairement que ceux-ci vont se réaliser. Si en ouverture la typographie Dreams grandit et recouvre tout l’écran, celle-ci laisse immédiatement place à une vision de cauchemar : un camion au bord de la route dont proviennent des hurlements à l’aide. Le jeune Fernando s’en échappe, poursuivant son chemin entre la frontière mexicaine et américaine.
Fernando semble avoir vécu l’enfer : le cinéaste n’a pas besoin de le raconter, les traits exsangues de l’acteur Isaac Hernández sont suffisamment éloquents. Le premier réflexe humain, lorsque le jeune homme cherche de l’eau dans un diner, sera de le mettre à la porte : n’oublions pas que nous sommes dans un film de Michel Franco, plus habitué aux portraits d’une société ultra-violente qu’à des débordements affectueux. Les scènes sont pratiquement toutes très courtes, froides, à l’os et à l’essentiel. Cela donne un sentiment d’efficacité narrative avec un film sait exactement où il va.
Difficile pourtant de savoir où va bien pouvoir aller (à part dans le mur) la relation amoureuse que le jeune Fernando entretient avec Jennifer, une Américaine richissime et plus âgée que lui. Cette relation pourrait être follement romanesque, hors des règles et des carcans – mais Michel Franco n’est pas un réalisateur de romances. Ce qui surprend davantage dans le long métrage, c’est sa dimension camp : c’est, grossièrement (mais le camp n’a pas à être poli), l’histoire d’une grande bourgeoise coincée (Jessica Chastain, très convaincante), avec toujours à l’avant-bras un sac à main qui coûte un mois de salaire (le vôtre, pas le sien), et qui brûle de désir pour son « petit danseur mexicain » jusqu’à le stalker comme une dingue lorsque celui-ci disparaît.
Le camp vient entre autres questionner les rôles sociaux, et sert ici d’outil pour interroger les rapports de classe ou de domination. C’est aussi une perspective, comme un filtre tragi-comique, qui permet au film d’éviter la complaisance à laquelle Franco a déjà pu succomber par le passé. Cette distance, néanmoins, n’empêche pas le long métrage de dépeindre tout ce que cette relation révèle d’horreur en termes de xénophobie, d’exploitation et de lâcheté – qu’est-ce qui, in fine, fait perdre leur humanité aux protagonistes, elle comme lui.
Dans ce théâtre, les apparences comptent plus que tout. Le vieux patriarche-mécène américain passe son temps accueilli comme un dieu-sauveur à remercier, mais n’a besoin que d’une réplique pour trahir sa véritable odeur. Dreams élargit son examen depuis ce couple jusqu’à un système entier, malade et tordu. On retrouve les basculements narratifs brutaux chers au cinéaste, qui parfois peuvent paraître acrobatiques. En ne craignant pas de déplaire, en s’appuyant sur des protagonistes qui ne sont pas aimables (ou qui finissent par ne pas l’être), le réalisateur donne au récit une âpreté à la hauteur des motifs qu’il explore.
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par Nicolas Bardot