TIFF 2024 | Critique : Day Tripper

Un jour ordinaire dans une ville du nord de la Chine, les gens luttent pour leur vie comme d’habitude. Un homme d’âge moyen voit sa position remplacée par une jeune personne. Il ne sait pas où aller. Son épouse veut une nouvelle vie. Elle essaie de déménager dans un nouvel endroit et de rompre avec son amant.

Day Tripper
Chine, 2023
De Yanqi Chen

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

JOUR DE NEIGE

Malgré tous les efforts humains pour déplacer le meuble, une étagère reste désespérément coincée dans l’entrée d’un appartement. Celle-ci est poussée dans un sens ou dans l’autre – mais rien n’y fait. Finalement, on s’y habitue, on vit autour, on se glisse en dessous pour sortir de l’immeuble. Cette scène absurde de Day Tripper, premier long métrage du Chinois Yanqi Chen, reflète fidèlement l’incongruité et les épreuves tragicomiques auxquelles est confrontée la population d’une ville du nord-est de Chine.

Les habitant.e.s, comme l’étagère dont on vient de parler, sont encastré.e.s et figé.e.s dans leur quotidien. La neige semble tout éteindre et anesthésier, à moins qu’il ne s’agisse d’épais nuages de pollution. Les couleurs comme les sentiments sont délavés, les protagonistes sont comme chaos debout, hébétés, tandis que la composition rigoureuse dans le cadre dessine un monde pétrifié. On pense beaucoup aux morts-vivants qui peuplent le cinéma du Suédois Roy Andersson – le temps d’un trajet en bus, Yanqi Chen cite à l’identique un plan marquant de Chansons du deuxième étage.

Géographiquement plus proche qu’Andersson, Day Tripper évoque également l’atmosphère glacée et pince-sans-rire de Winter Vacation, le Léopard d’or à Locarno réalisé par le Chinois Li Hongqi en 2010. Il y avait néanmoins dans Winter Vacation une radicalité qui donnait davantage de force au récit. Si Day Tripper n’est pas déplaisant, il s’installe parfois dans une formule qui rend la routine vécue par les personnages un rien contagieuse. En revanche, Day Tripper a pour lui de ne pas se prendre trop au sérieux et de laisser une place appréciée à la fantaisie – c’est elle qui vient apporter de l’oxygène dans ce décor exsangue, à l’image du dénouement ironique qui nous précise bien que ces existences déprimantes n’ont rien, mais vraiment rien à voir avec les nôtres.

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par Nicolas Bardot

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