Festival de Cannes | Critique : Dalloway

Clarissa, romancière en mal d’inspiration, rejoint une résidence d’artistes prestigieuse à la pointe de la technologie. Elle trouve en Dalloway, son assistante virtuelle, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA, renforcé par les avertissements complotistes d’un autre résident. Se sentant alors surveillée, Clarissa se lance secrètement dans une enquête pour découvrir les réelles intentions de ses hôtes. Menace réelle ou délire paranoïaque ?

Dalloway
France, 2025
De Yann Gozlan

Durée : 1h50

Sortie : 17/09/2025

Note :

SOUFFREZ QU’UNE AUTRE CHEZ MOI SE GLISSE

A l’heure où l’intelligence artificielle anime tous les débats des festivals de cinéma, et que certaines œuvres radicales placent cet outil au cœur de leur dispositif (tel le très étrange documentaire Cartas telepaticas, vu l’an dernier à Locarno), Cannes dévoile en séance de minuit le thriller français Dalloway. De ce divertissement à suspens, il ne faut pas attendre une réflexion poussée sur l’IA ou même un point de vue très contemporain ou nouveau. En 2001, un épisode d’Halloween des Simpson imaginait déjà Marge aux prises avec un ordinateur fou dans sa cuisine domotique. Petite originalité (la seule ?) : le foyer familial est ici remplacé par une résidence d’artiste tout confort et connectée où des créatifs en difficulté peuvent retrouver l’inspiration. Tel est le cas du personnage interprété par Cécile de France, autrice pour ado qui peine à boucler un ambitieux projet sur Virginia Woolf. Dans cette pièce à elle (vous l’avez ?), l’inspiration va lui revenir grâce à une intelligence artificielle nommée Dalloway (vous l’avez aussi ?).

Oui, tout est surligné à ce point dans ce film qui ressemble à ce que donnerait un épisode de Black Mirror s’il s’agissait d’une série bourgeoise pour France 3. Adapté du roman de Tatiana de Rosnay, le scénario ne creuse pas suffisamment les personnages et les situations déjà convenues (une cachette de hackers semble sortie de Traque sur Internet) pour offrir le trouble souhaité. Ce tour de train fantôme semble s’adresser à des personnes très âgées ou au contraire très jeunes, en tout cas un public qui se laisse facilement impressionner. Mais il y a heureusement une idée délicieuse au cœur de Dalloway : celle de faire jouer la voix de l’intelligence artificielle par Mylène Farmer.

Mylène Farmer n’apparaît donc jamais à l’écran (comme dans Her, mais mieux vaut ne pas pousser la comparaison plus loin), mais on l’entend beaucoup. Comme plusieurs films fantastiques sur l’IA, Dalloway souligne le potentiel comique du ton souvent passif agressif de ces logiciels avides de conseils non sollicités. Mais un niveau de lecture camp jubilatoire s’ajoute pour qui est familier de Mylène car la voix neutre et réservée qu’elle emploie ici s’avère très similaire à celle qu’elle utilise dans ses rares interviews, où l’on sent l’effort qu’elle met à répondre sans se mouiller et le soin derrière chaque terme choisi. Les fans connaisseurs auront probablement l’impression amusée qu’elle s’apprête régulièrement à sortir une de ses formules habituelles du type « j’aime être aimée » ou « je vous le confirme ». Mieux encore : les moments où elle semble commenter les lourdeurs du scénario (en mode « tu avais remarqué le parallèle entre ton livre et ta vie ? ») sont involontairement cocasses. Le potentiel de cette dimension extra-filmique aurait pu être exploité bien plus loin mais c’est clairement ce qui apporte le piment qui ferait autrement défaut à Dalloway.

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par Gregory Coutaut

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