Trois femmes syriennes, vivant dans des lieux différents, sont séparées par ce qui les unit: la peur et le traumatisme. La première qui vit à Damas, s’est enfermée dans un silence total et coupée du monde en se retranchant dans son appartement, où elle cherche à se consoler de la mort de son fils. La deuxième a quitté Damas, poussée par la guerre, et s’est installée en Suède, où elle se perd dans la peinture, dans l’espoir de se libérer des tourments du passé. La dernière a fini à Vienne et fait face à un avenir incertain, exactement comme le fantôme d’une femme qui avait fui l’Autriche après la Seconde Guerre mondiale.
Chaos
Autriche, 2018
De Sara Fattahi
Durée : 1h35
Sortie : –
Note :
FLOTTER DANS L’AIR TROP LOURD
Lauréat de la section Cinéastes du Présent au Festival de Locarno, Chaos est le second volet d’une trilogie entamée par la réalisatrice syrienne Sara Fattahi. Il y a trois ans, Fattahi a réalisé Coma, qui mettait en scène trois femmes syriennes sous le même toit à Damas, pendant la guerre. Les héroïnes de Chaos sont séparées dans l’espace, mais quelque part réunies. L’une est à Damas, l’autre en Suède, la dernière en Autriche. Chacune marquée par la guerre, dans des lieux où le soleil ne se montre plus. Seule à la fenêtre. Seule dans la nature. Seule face à un Caravage. Seule – et ensemble.
Très vite dans Chaos on entend à la radio la voix d’Ingeborg Bachmann. L’œuvre de l’autrice autrichienne parle entre autres de la persistance de la guerre, est peuplée d’héroïnes tragiques. C’est un évident pont poétique jeté avec les figures de ce Chaos. L’une est encore sur place, comme un spectre. Les deux autres ont été déplacées, et ne sont pas moins des fantômes. Avec finesse, Sara Fattahi décrit cette guerre qui a tout pris, même la mémoire et les souvenirs. La séparation est celle du langage, de la culture. Mais on parle aussi ici de femmes qui semblent avoir même déserté leur propre corps, en avoir été séparées.
Le chaos semble calme pourtant dans le film de Fattahi. On évoque la mort déchirante de proches, le silence s’installe durablement. Fattahi parvient à raconter cette chape de plomb qui s’abat, et qui pousse à la folie. La guerre qui poursuit ces femmes à des kilomètres et les plonge dans une solitude sans lumière. C’est un récit terrible et puissant que ce triple portrait dont les marques sont indélébiles.
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par Nicolas Bardot