Festival de Sundance | Critique : Cassandro

Dans le milieu de la lucha libre à Juárez, au Mexique, le luchador gay Saúl est fatigué de jouer El Topo, un lutteur masqué qui perd toujours ses matchs. Il veut être une star. Sabrina, sa nouvelle entraîneuse, lui suggère de développer un personnage exótico :  un rôle efféminé, démasqué et stéréotypé que le public aime détester. Mais les exóticos ne gagnent jamais. Tout cela change lorsque Saúl fait ses débuts avec le flamboyant et puissant Cassandro, qui capte l’attention et l’affection de la foule. 

Cassandro
Etats-Unis, 2023
De Roger Ross Williams

Duré : 1h39

Sortie : –

Note :

MASK FOR MASK

Le cliché qui veut que les films américains du Festival de Sundance se ressemblent tant et obéissent à des formules si prévisibles qu’ils semblent sortir de la même usine ne date pas d’hier. Il continue d’avoir la peau dure en dépit des efforts récents des sélectionneurs pour élargir le panel des voix et des cultures représentées. Les premières scènes de Cassandro nous présentent les règles de la lucha libre : les héros vaillants portent un masque tandis que les exoticos, grimés de façon féminine et que le public aime haïr, sont destinés à perdre pour mettre en valeur leur adversaire viril. Quand un gaillard vient rappeler au tendre Saúl que cette répartition des rôles (des genres?) est immuable et mérite d’être respectée, ce dernier hausse les épaules de dédain, bien destiné à être lui-même. On aurait aimé que le film s’autorise les mêmes libertés.

Cassandro est un biopic où tout est rigoureusement à sa place : les flashbacks vers l’enfance, la relation filiale compliquée, les dialogues explicatifs, les personnages secondaires si peu développés qu’ils ne semblent être là que pour mettre en valeur le protagoniste. Le problème n’est pas tant le trop grand respect que le film possède pour son héros, qui est toujours bel et bien vivant et à qui des documentaires ont déjà été consacrés. C’est son manque d’imagination et de personnalité qui ne rend justement pas justice à ce dernier.

Saúl/Cassandro est une créature queer flamboyante et unique qui a su conquérir le public sans arrondir les angles de son altérité, et le film choisit de lui rendre hommage de la façon la plus prévisible et facile à digérer possible, enchainant les versions hispaniques de tubes internationaux (faudrait pas qu’on soit trop dépaysés), et se concluant carrément par la reconstitution d’un entretien télévisé de Saúl (faudrait pas que la note d’intention manque de clarté). Cassandro a certes la qualité correspondante à ses défauts : ça file vite et ça se regarde avec une grande facilité. Egalement producteur, Gael García Bernal trouve par ailleurs la nuance juste dans son interprétation du rôle titre. Mais un héros si hors-normes et attachant méritait mieux que ce gentil exposé qui semble avoir été écrit et réalisé par une intelligence artificielle.

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par Gregory Coutaut

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