Critique : Burning

Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, retrouve par hasard son ancienne voisine, Haemi, qui le séduit immédiatement. De retour d’un voyage à l’étranger, celle-ci revient cependant avec Ben, un garçon fortuné et mystérieux. Alors que s’instaure entre eux un troublant triangle amoureux, Ben révèle à Jongsu son étrange secret…

Burning
Corée du sud, 2018
De Lee Chang-Dong

Durée : 2h28

Sortie : 29/08/2018

Note : 

CONTE CRUEL DE LA JEUNESSE

Est-ce un film sur la jeunesse ? Est-ce un film sur les femmes, sur les hommes ? Sur la famille, sur les rapports de classes ? L’une des grandes forces de Burning, nouveau long métrage de Lee Chang-Dong (lire notre entretien), est précisément ce qui pourrait constituer la faiblesse d’autres films : celle de ne pas choisir. Le réalisateur coréen de Oasis ou Poetry adapte ici une courte nouvelle du Japonais Haruki Murakami, Les Granges brûlées, parue en France dans le recueil L’Éléphant s’évapore et qui ne compte qu’une vingtaine de pages. C’est un point de départ pour le film ample de Lee (2h28), et pourtant l’ADN du style de Murakami est là dans ce long métrage très fluide où le sens du mystère est élevé au rang d’art. Celui-ci est construit minutieusement par le cinéaste, dès ce début de film déroutant. Lee semble veiller à ce qu’une pièce de puzzle manque sans cesse pour éviter les propos didactiques comme le film à sujet, et stimuler le spectateur.

Cela nous oblige à prendre du recul pour voir l’image en entier. « Quand quelque chose est trop près, on ne le voit pas », lit-on dans la nouvelle – une réplique reprise telle quelle dans le film. On pense voir venir ce récit de triangle amoureux, mais Burning n’est pas télécommandé. Et se questionne : sur l’apathie, sur la colère, sur le sens de la vie, sur là où se trouve la moralité. En point commun à ces questionnements : le sentiment pour la jeunesse d’être désorientée. On fait des rêves de flammes dans cette réalité qui semble endormie. Parfois, le film paraît plus concret, comme dans cet affrontement de classes où le héros fragile est confronté à un jeune homme fortuné et séduisant. Celui-ci cuisine ses pâtes en musique dans son luxueux appartement et on entend les basses résonner dans sa Porsche lorsque celle-ci s’approche de la modeste maison dans laquelle vit le héros, à Paju, près de la frontière avec la Corée du nord (autant dire un autre monde).

« C’est comme une épingle de sûreté. Si cette épingle s’ouvrait, je crois que nous tomberions littéralement en morceaux ». Cette phrase tirée du texte de Murakami n’est pas citée dans Burning – mais c’est une clef. Qu’est-ce qui fait que les personnages du film ne tombent pas en morceau ? A quel moment cela arrivera t-il ? Quand prendront-ils feu ? Lee, avec une grande dextérité, parvient à maintenir cette tension même quand rien ne semble se passer. L’héroïne, experte en pantomime, explique que la clef est d’oublier que la mandarine n’est pas là. Et pourtant on scrute. La scène-clef de Burning – en tout cas la plus belle – est cette danse hypnotique et on ne sait plus si celle-ci arrive à l’aube ou au crépuscule. Le temps est suspendu et d’un coup on décolle du réel. La lumière est superbe dans Burning et chaque plan est de toute beauté. Mais cette lumière crépusculaire est un autre indice sur le mélodrame tourmenté qui se trame, plus elliptique que dans les précédents films de Lee, mais tout aussi intense, passionnant et élégant.

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par Nicolas Bardot

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