FID Marseille | Critique : bluish

Errol et Sasha, deux jeunes femmes dans la vingtaine, dérivent dans leur vie comme dans la ville.

bluish
Autriche, 2024
De Lilith Kraxner et Milena Czernovsky

Durée : 1h23

Sortie : –

Note :

LE BLEU DES VILLES

« Es-tu petite ou es-tu grande ? Es-tu folle, es-tu normale ? Es-tu amère ou es-tu douce ? », questionne la chanson que l’on entend au générique de début de bluish, nouveau long métrage des cinéastes autrichiennes Milena Czernovsky & Lilith Kraxner. Ou encore : « es-tu bien ou mal ? » – mais comment savoir et trancher si facilement ? Définitive ou juste impertinente, la chanson conclut : « tu n’y arriveras pas, de toute façon ». bluish raconte les solitudes de deux jeunes femmes, Errol et Sacha, la vingtaine. Czernovsky & Kraxner privilégient l’économie, difficile de dire si Errol et Sacha sont ceci ou cela – mais pourtant le cadre donne beaucoup à ressentir.

« Une partie seulement de ce qui arrive est capté par le cadre : on ne peut jamais tout voir. C’est important pour nous de rappeler que le cinéma est toujours une mise en scène de fragments », commentent les réalisatrices. L’une des protagonistes est auscultée lors d’une des premières scènes du long métrage. La blancheur omniprésente (des murs, des draps, des sous-vêtements) suggère un examen clinique au dépouillement précis, mais le cadre vient brouiller cela. Les protagonistes sont souvent décentrées tandis que le cadre est régulièrement coupé en deux à l’horizontal, comme si quelque chose flottait toujours au-dessus des têtes, comme si la vie des personnages était tassée. Lors d’une scène flirtant avec une absurdité pince-sans-rire, un personnage se questionne sur comment trouver le bon cadre tandis que l’une des héroïnes déroule du scotch sur un mur.

Milena Czernovsky & Lilith Kraxner dépeint des existences silencieuses et solitaires. Ce peut être une solitude devant le miroir de la salle de bain, à la piscine, le visage neutre dans les transports en commun. La solitude encore avec la barrière de la langue, le déracinement, la solitude queer. bluish n’est aucunement un net film « à sujet » mais cette solitude circule. Elle est aussi, sous le regard attentif des réalisatrices, un réconfort : dans la musique, dans une salle de spectacle ou (régulièrement) lorsqu’on se replie sous la couette. bluish semble se situer dans le shared universe de Beatrix, premier long métrage des cinéastes. Le film tisse avec intransigeance et finesse les liens invisibles entre ces solitudes. Il vient de remporter le Grand Prix au FIDMarseille 2024.

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par Nicolas Bardot

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