Sundance | Critique : BLKNWS : Terms & Conditions

Expérience cinématographique qui recrée les textures sonores d’un album de musique, ce film tisse fiction et Histoire dans un voyage immersif de 247 ans à travers la terre et la mer.

BLKNWS : Terms & Conditions
Etats-Unis, 2025
De Kahlil Joseph

Durée : 1h50

Sortie : –

Note :

TOUT PARTOUT EN MÊME TEMPS

BLKNWS : Terms & Conditions est une œuvre si ambitieuse et protéiforme qu’il n’est pas aisé de trouver le point de départ pour tenter de le décrire avec justesse. Le cinéaste américain Kahlil Joseph semble d’ailleurs s’être lui-même posé la question de comment débuter le film puisque l’introduction autobiographique pleine de dignité et de sérieux est presque immédiatement coupée par l’interjection humoristique « Je sais ce que vous pensez, mais ceci n’est pas un documentaire » illustrée par un gif de Viola Davis exprimant son soulagement. On ne peut certainement pas dire que l’on soit ici face à une pure fiction non plus mais « le problème dans le cinéma, c’est de catégoriser les films » rappelle Agnès Varda, autre invitée inattendue du grand zapping culturel qui s’annonce.

BLKNWS (prononcez Black News) est à l’origine une installation vidéo que Kahlil Joseph avait présentée à la Biennale de Venise en 2019, un faux journal télévisé centré sur la pluralité des questions afro-américaines. BLKNWS : Terms & Conditions en est la déclinaison en long métrage, avec cette fois-ci un scope élargi à une expérience noire universelle, de l’Afrique aux Etats-Unis en passant par le Brésil et les Caraïbes. Prenant comme point d’ancrage l’ouvrage Encyclopedia Africana et des écrits du sociologue et activiste du début du 20e siècle W.E.B. Du Bois, le film compose une mosaïque contemporaine du vécu des diasporas africaines.

Mélangeant extraits de podcasts, des vidéos d’inconnus trouvées sur des réseaux sociaux, des slogans radicaux, des archives historiques, des souvenirs intimes et beaucoup, beaucoup de musique, Kahlil propose un index électrisant de mouvements artistiques ou de célébrités (on croise aussi bien James Baldwin ou Wole Soyinka que Surya Bonaly ou Phylicia Rashad). Le défilement des images est passionnant, vertigineux, d’une telle densité qu’il frôle parfois le trop-plein (après tout le film s’intitule « termes et conditions ») mais attention à ne pas oublier : « ceci n’est un documentaire ».

Au cœur du long métrage se trouve également une fiction mettant en scène dans un futur proche la traversée de l’Atlantique par un paquebot flottant où se tient une biennale d’art panafricain. On y rencontre une version fictionnalisée de la curatrice Funmilayo Akechukwu, qui fait écho aux images (réelles cette fois-ci) d’un autre curateur africain : Okwui Enwezor. Et en effet, peu de films évoquent avec tant d’inventivité la puissance de l’art contemporain comme outil pour se raconter et réécrire son histoire. Avec sa manière d’obéir à une logique poétique de collage impressionniste, avec sa vision panoramique plus que linéaire, avec cette manière entêtante d’avoir l’air de parler d’absolument tout, BLKNWS : Terms & Conditions ressemble il est vrai moins à un documentaire classique qu’à un assemblage curaté avec un point de vue artistique fort.

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par Gregory Coutaut

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