Berlinale | Critique : Black Milk

Après des années à vivre en Allemagne, Wessi rend visite à sa sœur Ossi en Mongolie. Ossi invite tous les voisins à accueillir sa sœur perdue de vue depuis longtemps. « Ne prétends pas que tu as oublié nos rituels », c’est ainsi que la jeune femme moderne est réprimandée. Wessi ne s’en souvient que trop bien. Peut-elle envisager de suivre ses sentiments dans ce monde à l’ancienne ?

Black Milk
Mongolie, 2020
De Uisenma Borchu

Durée : 1h31

Sortie : –

Note :

SŒURS DE LAIT

Le premier long métrage très gonflé de l’Allemande d’origine mongole Uisenma Borchu s’intitulait Don’t Look at Me That Way. Le premier plan de Black Milk, son nouveau film sélectionné à la Berlinale, est comme une réponse, ou établit en tout cas un lien : la sœur de l’héroïne nous fixe silencieusement. Un regard caméra comme un défi. Mais qui regarde t-elle au juste ? Nous ou plutôt sa sœur ? S’agit-il d’une réminiscence, ou d’une image mentale créée par Wessi, qui vit en Allemagne depuis des années mais qui est comme rappelée vers sa terre d’origine, la Mongolie ?

« T’attends quoi au juste ? », demande t-on à Wessi. « Qu’est-ce qui te fait croire que j’attends », répond la jeune femme qui n’est pas du genre à se faire marcher sur les pieds ou dicter sa conduite. Don’t Look at Me That Way était déjà habité par une passionnante héroïne complexe, un personnage qui n’était pas écrit comme un doudou à serrer dans les bras. C’est le cas à nouveau dans Black Milk avec cette femme éprise de liberté et qui évolue dans un film à l’opposé des clichés de ces récits de retour aux racines. Il n’est pas question de redécouvrir le sens de la vie dans Black Milk. Wessi quitte des règles sociétales pour d’autres. Comment vivre avec, et comment les transgresser ? « C’est un péché, mais on va quand même le faire une fois, non ? ».

Si le récit manque parfois de fluidité, on retrouve également une bizarrerie malaimable assez précieuse. Black Milk est sexué mais pas câlin, son décor est mis en valeur par la photographie de Sven Zellner mais n’est pas filmé comme un territoire pittoresque. On parle de prophétie mais il n’est guère question de folklore dans Black Milk. Plutôt de liberté, recherchée par une femme dans une ville allemande comme sous une yourte mongole. « Je n’ai pas peur » dit l’héroïne, et on veut bien la croire – des propos qui sonnent comme une déclaration de foi d’une réalisatrice décidément à suivre.

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par Nicolas Bardot

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