Critique : Black Dog

Lang revient dans sa ville natale aux portes du désert de Gobi. Alors qu’il travaille pour la patrouille locale chargée de débarrasser la ville des chiens errants, il se lie d’amitié avec l’un d’entre eux. Une rencontre qui va marquer un nouveau départ pour ces deux âmes solitaires.

Black Dog
Chine, 2024
De Hu Guan

Durée : 1h50

Sortie : 05/03/2025

Note :

ENTRE CHIEN ET LOUP

C’est sur les images spectaculaires d’un ample désert que s’ouvre Black Dog, le nouveau film du Chinois Hu Guan. On a à peine le temps de contempler ce décor vertigineux que celui-ci est traversé par une meute de chiens. Ce n’est pas suffisant ? Dans la même prise, un camion se renverse sur la route et cette introduction donne le ton d’un long métrage à la mise en scène généreuse et au récit chaotique. Ce lieu mérite qu’on s’y attarde : Hu Guan filme un décor sauvage et inhospitalier, et fait preuve d’un talent bluffant pour offrir de saisissantes perspectives visuelles sur cet endroit du bout du monde.

Aux portes du désert de Gobi, au nord-ouest de la Chine, la ville natale de Lang semble damnée. Hu Guan dépeint de manière saisissante une cité fantôme aux habitations abandonnées. Des grandes barres d’immeubles s’élèvent comme des anomalies dans le désert. Le théâtre ? A l’abandon. Le zoo ? A moitié mort. L’action se déroule en 2008, à la veille des Jeux Olympiques de Pékin qui, contractuellement, vendent du rêve – même si celui-ci se situe à des milliers de kilomètres. Pendant ce temps, on croit encore ici ou là que la ville morte va renaître. L’histoire de Black Dog se situe sur cette troublante bascule : tournée vers l’avenir mais prisonnière du passé.

Sorti de prison, on ne peut pas vraiment dire que Lang a laissé son passé derrière les barreaux. Tout le monde se souvient de lui, et ce héros taiseux ne semble pas avoir envie de reconstruire quoi que ce soit avec les humains qui l’entourent. Ce rôle qui pourrait être monocorde profite du charisme et du magnétisme de son acteur, Eddie Peng, qui apporte une force et une fragilité à son personnage. Autour de lui, l’allégorie est assez nette : cette meute de chiens abandonnés, livrés à eux-mêmes, parfois tendres et parfois enragés, sont le fidèle reflet des humains que l’on voit à l’écran.

Voilà le monde grotesque dépeint par Hu Guan, avec ses humains maladroits qui courent après des chiens galeux, armés de grands filets à papillons – une dimension clownesque à laquelle fait écho la présence d’un cirque dans la ville. Le cinéaste accompagne avec une dynamique efficace les mouvements de ses protagonistes, en privilégiant vifs travellings et panoramiques plutôt qu’un découpage de l’action. C’est là l’électricité d’un long métrage dont les personnages peuvent être soumis à toutes sortes de catastrophes naturelles et imprévues, tremblement de terre ou tempête de sable.

Et l’humanité dans tout ça ? Dans ce no man’s land austère, Hu Guan raconte une forme de tendresse qui s’exprime dans une relation homme-animal relativement attendue, et qui ôte un peu de son étrange relief au film. C’est formellement, là encore, que Black Dog continue de saisir dans sa dernière partie, comme lorsqu’on ne sait guère si ce sont des flocons ou des cendres qui tombent sur le protagoniste, ou que le beau ciel rose tranche en un puissant contraste avec la terre noire, si noire.

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par Nicolas Bardot

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