Festival New Directors/New Films | Critique : Bebia, à mon seul désir

La jeune mannequin Ariadna est soudainement appelée loin des podiums. Elle doit se rendre dans le petit village de Géorgie où elle est née afin d’assister aux funérailles de sa grand-mère. Après des retrouvailles difficiles avec sa mère, elle apprend qu’en tant que plus jeune membre de la famille, elle est tenue d’effectuer un rituel particulier : une tradition ancienne liée au mythe mythe grec d’Ariane et son fil. À contrecœur, elle se met à accomplir cette étrange mission.

Bebia, à mon seul désir
Géorgie, 2021
De Juja Dobrachkous

Durée : 1h58

Sortie : –

Note :

C’EST BEAU DU BERCEAU AU TOMBEAU

Suite au décès de sa grand-mère, Ariadna revient dans le village de son enfance. On devine que son absence n’a pas pu être si longue car l’adolescente possède encore des très enfantins, et pourtant son décalage de nouvelle citadine avec ce village où rien n’a bougé frappe d’emblée. « On se croirait au Moyen Âge » se plaint-elle. Entre rites à épouser et leçons de vie distribuées sans sollicitation, la communauté agitée dans laquelle Ariadna se retrouve plongée est à la fois chaleureuse et épuisante. Un ancrage et un boulet. A l’image des pleureuses engagées pour l’enterrement et qui en font des caisses, l’héroïne veut bien prendre sur elle mais peine à retrouver une émotion authentique.

La réalisatrice géorgienne Juja Dobrachkous conjugue une mise en scène qui privilégie les gros plans et un montage sensoriel. Sa caméra flotte auprès des visages, sans jamais vouloir se fixer bien longtemps. Le résultat est une atmosphère impressionniste curieuse et élégante qui donne à ce récit réel les dimensions d’un conte, presque celles d’un mythe. Le mythe, Ariadna le tient littéralement entre ses mains, sans s’en rendre compte. Benjamine de la famille, elle se retrouve en effet tenue par la tradition de dérouler un fil (d’Ariane?) entre le corps de sa grand-mère et le lieu où celle-ci est décédée. Or, par un concours de circonstance, cette distance s’avère ici être de plusieurs dizaines de kilomètres. « Il faut continuer à vivre pour que les morts reposent en paix » : Ariadna n’a pas le choix, elle va devoir marcher, affronter son deuil revêche, et presque remonter le temps.

En parallèle du trajet d’Ariadna en tant que jeune adulte, le film revient également sur son parcours d’enfant, quand elle découvrait une première fois le monde qui l’entourait. Ces deux époques cohabitent en parallèle dans Bebia à mon seul désir, et se superposent presque dans un vertige, comme si au final, il n’y avait vraiment ni point de départ, ni d’arrivée. C’est ce que nous dit la marche funèbre au cœur du film, soudain filmée dans des panoramiques à l’échelle inattendue. Du berceau au tombeau, dans un sens ou dans l’autre, la vie est une marche entravée, parfois pénible mais au travers d’une grande beauté. C’est une impossible ligne droite, plutôt un cercle paradoxal, une ronde autant qu’une prison. Bebia n’aurait sans doute pas perdu grand chose de son ambition en étant davantage resserré, sa longueur est sans doute son défaut. Ce film n’en reste pas moins une émouvante et mystérieuse porte ouverte vers un monde en train de disparaitre.

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par Gregory Coutaut

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