Festival de Films de Femmes de Créteil | Critique : Beans

Beans, 12 ans, est à un moment charnière de sa vie. Prise entre la naïveté de l’enfance et le désir de rébellion de l’adolescence; elle doit se transformer tandis que la nation Mohawk tente de défendre ses terres ancestrales durant la crise d’Oka. Celle-ci a déchiré le Québec et le Canada pendant 78 jours tendus durant l’été 1990…

Beans
Canada, 2020
De Tracey Deer

Durée : 1h32

Sortie : –

Note :

LA VIE NE ME FAIT PAS PEUR

L’édition 2020 du Festival de Toronto a réservé une nouvelle fois une place de choix aux réalisatrices. Il a surtout mis en avant les démarches d’historiennes à travers des films où les autrices reviennent sans didactisme sur les coulisses d’événements historiques. Au haletant Quo Vadis, Aida ? et au plus consensuel One Night in Miami s’ajoute Beans, première fiction de la réalisatrice mohwak Tracey Deer (lire notre entretien), après plusieurs documentaires consacrés aux Premières Nations. Beans revient sur la Crise d’Oka, où les litiges concernant des terres sacrées entrainèrent d’intenses affrontements entre Mohwaks et Québécois allochtones, jusqu’à nécessiter l’intervention de l’armée canadienne.

Même si la crise ne fit qu’une seule victime, Tracey Deer ne met pas de guillemets sur la brutalité des événements. Les mannequins pendus et brulés dans la rue et la mauvaise foi abrutie de ceux qui ne veulent pas remettre en cause l’autorité dressent un parallèle tendu avec l’actualité américaine ou mondiale. Les puissantes images d’archive intercalées çà et là tordent sec le cou au cliché que le Québec serait une terre sans complexité, un paradis béat loin du racisme des Etats-Unis. Comme le rappellent les protagonistes racisés de Beans, ce qui est protégé ici avant tout, ce sont les droits de Blancs.

Beans s’ouvre d’ailleurs sur une violence plus insidieuse, dans laquelle la jeune héroïne se retrouve à épeler son nom à une dadame blanche bien en peine. Beans n’est pas qu’un film historique, c’est avant tout le récit d’apprentissage de son héroïne poussée à murir plus vite que prévu dans un environnement où tout est encore trop grand pour elle : les garçons, le racisme, la violence. Sur ce sage chemin narratif, Beans rencontre quelques archétypes parfois un peu trop proches du cliché. Pourtant, sans chercher à révolutionner ce registre adolescent, Tracey Deer trouve le bon relief en superposant deux échelles : l’intime et le politique.

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par Gregory Coutaut

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