Lorsque son premier grand amour disparaît, Asako est désemparée. Deux ans plus tard, elle rencontre son double parfait. Troublée par cette étrange ressemblance, elle se laisse séduire mais découvre peu à peu un jeune homme avec une toute autre personnalité.
Asako
Japon, 2018
De Ryusuke Hamaguchi
Durée : 1h59
Sortie : 02/01/2019
Note :
RAISON ET SENTIMENTS
Que se passe t-il si la rivière déborde ? C’est une question très concrète qui est posée durant Asako I & II. C’est aussi une question qui résume tout ce que raconte le film : et si la rivière se met à déborder, que va t-il se passer ? Le caractère de l’héroïne, la très sage Asako, semble pourtant être tout sauf comparable aux tumultes d’un fleuve. Mais c’est précisément ce qui bout en elle qui rend le film, nouvelle merveille signée Ryusuke Hamaguchi (Senses, lire notre entretien), si bouleversant.
Asako I & II est un mélodrame sentimental à l’argument bigger than life. Les esprits les plus cyniques grinceront des dents face au sucre de ce long métrage. Les autres se rouleront avec joie dans ce mélo qui ne retient pas ses émotions. Et pourtant tout est là : comment Asako, malgré sa retenue (naturelle ou socialement construite) se donne à celui qu’elle croit être son grand amour, qui apparaît dans sa vie tel un feu d’artifice. Et comment celle-ci va mener sa vie lorsque cet amour disparaît puis… n’en disons pas trop.
Si le genre (la romance) et le traitement (sensible et exalté) peuvent être hâtivement jugés comme superficiels, Hamaguchi, avec subtilité, réussit le contraire. Asako pourrait être une délicieuse héroïne de shōjo. Et à partir de codes en apparence artificiels, Hamaguchi se questionne sur l’essentiel. Sur la société, sur l’examen de conscience et sur le libre-arbitre. Sur l’amour idéal et l’amour parfait. Sur le destin et sur les décisions. Avec un mélange subtil de douceur et d’amertume, d’ombres et de belles lumières. « Les temps changent sans que tu ne t’en aperçoives ».
Il faut énormément de talent pour insérer autant de ruptures que dans cet Asako. Le film est peuplé de décrochages périlleux qui sont autant de moments où le spectateur est suspendu à ce qui va arriver. Et si la rivière déborde ? On y revient, dans un acte final d’une beauté époustouflante. Le film donne tout ce qu’il a : « fais ce que tu veux, tout est possible ! ». Cela pourrait être naïf, c’est pourtant déchirant et galvanisant dans le cadre émotionnellement corseté ici décrit. Et comme Senses, Hamaguchi aborde cette question précieuse et complexe : comment prend-on soin des autres ?
Voilà le trompe l’œil habilement mené par le réalisateur. Son regard sur le quotidien comme sa façon d’embrasser le romanesque le plus extraordinaire. Son héroïne apparemment en creux mais qui est pourtant un personnage en or. Son humilité et pourtant sa grande ambition. « C’est mauvais pour la santé de se priver d’un plaisir », entend-on durant le film. Ne manquez pas celui de ce long métrage qui fait battre plus fort notre cœur.
>>> Asako I&II est visible en vod sur UniversCiné
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par Nicolas Bardot