TIFF 2022 | Critique : As Far As I Can Walk

Strahinja et sa femme Ababuo ont quitté le Ghana avec le rêve d’une vie meilleure en Europe. Au lieu d’atteindre la partie occidentale du continent, ils ont été expulsés vers la Serbie. Strahinja a commencé à se construire une carrière, tandis qu’Ababuo ne parvient pas à réaliser ses ambitions et se sent de plus en plus frustrée. Quand elle disparaît un jour, Strahinja part à sa recherche…

As Far As I Can Walk
Serbie, 2021
De Stefan Arsenijević

Durée : 1h32

Sortie : –

Note :

TRIVIALE POURSUITE

La voix off qui nous accueille au tout début d’As Far As I Can Walk (multiprimé au dernier festival de Karlovy Vary) nous met l’eau à la bouche, parlant d’un noble prince soudain pris du désir irrésistible de se lancer dans un grand voyage. Cette voix sort littéralement d’un conte, puisque le film est l’adaptation contemporaine d’un classique de la littérature serbe. L’histoire de Strahinya, réfugié ghanéen en attente de légalisation, ne ressemble pourtant pas un conte de fées. En guise de palais, la caméra de Stefan Arsenijević nous fait pénétrer dans les dortoirs d’un centre d’accueil éphémère, perdu dans un champs anonyme loin des yeux des citadins.

Strahinya espère pouvoir devenir footballeur professionnel, et ainsi obtenir le droit de rester en Serbie. Sa femme, Ababuo, voudrait pouvoir exercer à nouveau son métier d’actrice. Une destinée romanesque va les éloigner l’un de l’autre. On ne peut pas accuser Arsenijević de misérabilisme à outrance. On peut souligner l’entreprise consistant à montrer des personnes migrantes comme de vrais personnages, et pas seulement des figurants de reportage télé, mais le regard du cinéaste est si bienveillant que ses protagonistes en deviennent lisses, et cela contrebalance finalement moins que prévu le ton archétypal du récit médiéval (lequel finit par devenir un prétexte, tant la voix off est peu réutilisée). As Far As I Can Walk est un film chaleureux, accessible, mais aux aspérités tellement molletonnées qu’on finit par se demander si le résultat est à la hauteur du sérieux du sujet.

Dès la première phrase du film, le charismatique et sympathique Strahinya nous est présenté par la narratrice comme un être particulièrement noble. La caméra ne tarde pas à nous montrer une autre réalité. Il est beaucoup question ici de profiteurs qui s’enrichissent sur le dos des migrants, mais en tentant de rendre ses personnages ambigus, le film (décidément trop gentil) semble nous invite à pardonner tout le monde, y compris son protagoniste. Le parcours de reconquête amoureuse de Strahinya ressemble moins à celui d’un preux prétendant qu’à celui d’un forceur égoïste. Les enjeux qui le font traverser l’Europe sont triviaux et surtout maladroits par rapports aux migrants en vraie situation d’urgence, eux-mêmes paradoxalement réduits à jouer les perpétuels figurants dans cette histoire.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article