Arnold est un élève brillant, lauréat de nombreux prix scolaires. Un jour, il rencontre Bee qui fait des affaires au noir en aidant les étudiants à tricher aux examens. Bee propose une belle somme à Arnold pour rejoindre son réseau. Alors qu’Arnold envisage de collaborer avec Bee, de nombreux élèves de son école, mécontents qu’on n’y respecte pas leur liberté, organisent une grande manifestation.
Arnold is a Model Student
Thaïlande, 2022
De Sorayos Prapapan
Durée : 1h23
Sortie : –
Note :
FEU FOLLET
Un chant parfaitement officiel est entonné devant l’école et le fier drapeau thaïlandais se dresse à l’horizon. Mais dès les premières minutes d’Arnold is a Model Student, on chante faux et les beaux hymnes ont quelque chose d’épuisé, de déglingué. Ce sont d’abord des scénettes de comédie qui s’enchaînent dans le premier long métrage du Thaïlandais Sorayos Prapapan (lire notre entretien). Il y a une délicatesse visuelle, des couleurs séduisantes qui suggèrent que tout cela n’est peut-être pas si grave. Mais derrière les mignonnes apparences, c’est une véritable révolte qui gronde.
Dans Arnold is a Model Student, les étudiants saluent l’enseignante en fin de cours en ânonnant péniblement des remerciements. Le respect de l’aîné est érigé en règle arbitraire, et cela semble avant tout la clef d’un statu quo réac : pas une voix ne doit se faire entendre face à l’inflexible autorité, même quand cette dernière est aussi absurde que pourrie. Les gamins sont à l’école, mais qu’ont-ils à apprendre ? Sont-ils coincés en Thaïlande ou même coincés où que ce soit dans un monde où les plus puissants ne lâcheront pas les commandes et où la corruption est le seul accélérateur social ? Le titre du film est évidemment ironique car si Arnold est un étudiant modèle, c’est avant tout parce qu’il a bien compris les règles d’une société sans boussole morale.
Tout cela pourrait être très sérieux – ça l’est – mais il y a chez Sorayos Prapapan le ton décalé et un peu lunaire que l’on peut trouver chez son compatriote Nawapol Thamrongrattanarit dans son étrange Mary is Happy, Mary is Happy. Si Prapapan a collaboré dans le passé avec Thamrongrattanarit (sur le son du superbe 36, couronné à Busan en 2012), il cite également comme influence le méconnu chez nous Kongdej Jaturanrasamee, auteur du magnifique inédit P-047. C’est l’occasion de rappeler que derrière l’arbre magique que constitue Apichatpong Weerasethakul, il y a de nombreux cinéastes indépendants thaïlandais qui comptent parmi les plus grands poètes du cinéma contemporain.
Le film, à nos yeux, peine parfois à vraiment se déployer, mais il utilise assez intelligemment les contrastes : la rébellion de poche ici fait écho, à travers des images réelles, à celle qu’a connu récemment la Thaïlande. Une lettre à l’écran mentionne pourtant l’automne 2022 : ce futur très proche est-il un souhait, une prophétie ? Prapapan ménage ses ambiguïtés de manière stimulante, à l’image des illustrations enfantines qui, malgré leur douceur, accompagnent les colères et les désirs les plus violents.
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par Nicolas Bardot