Critique : Animale

Nejma s’entraine dur pour réaliser son rêve et remporter la prochaine course camarguaise, un concours où l’on défie les taureaux dans l’arène. Mais alors que la saison bat son plein, des disparitions suspectes inquiètent les habitants. Très vite la rumeur se propage : une bête sauvage rôde…

Animale
France, 2024
De Emma Benestan

Durée : 1h40

Sortie : 27/11/2024

Note :

TAUROMACHO

Il ne fait aucun doute que Nejma, dès son apparition dans Animale, est une héroïne de western. Elle chevauche fièrement son destrier, chapeau sur la tête, des bovins se promènent ici ou là tandis que la nature s’étend autour d’elle. Un western en Camargue ? Ça n’est finalement pas si farfelu puisque de nombreux films du genre y ont été tournés dès le début du XXe siècle. Le décor du second long métrage de la Franco-Algérienne Emma Benestan, dévoilé lors du dernier Festival de Cannes à la Semaine de la Critique, reste néanmoins très rare et même assez exotique : l’action se déroule en effet dans le monde des courses camarguaises.

On découvre ainsi cette réalité singulière, ses codes, ses tenues (un beau défilé de chemises à imprimés et de foulards coquets). Mais assez vite on sent que ce n’est pas la captation réaliste ou pittoresque qui intéresse Benestan en premier lieu. En un plan sur l‘endroit où réside Nejma (une maisonnette digne d’un épisode de Dr Quinn, sur laquelle pèse une brume magique tandis qu’un cheval blanc vaque dans le jardin), Animale décolle du réel vers le conte. Mais un conte sombre, comme peuvent l’être les contes : touche après touche, Animale se meut en thriller puis en film d’horreur.

Si le film s’insère dans les codes relativement familiers du film de monstre, dans une famille cousine des films de loup-garou, Animale constitue avec générosité sa propre mythologie. La mise en scène de la cinéaste tente d’adopter au plus près le point de vue et la perception de son héroïne, incarnée de manière convaincante par Oulaya Amamra. Le film déploie une allégorie féministe dont on ne peut dévoiler le cœur dès cet article – et le surnaturel offre une perspective précieuse pour ce type de récit qui se situe à la fois dans la fantasmagorie mais aussi dans un triste réel.

Animale se distingue également par la façon dont Emma Benestan croque élégamment son décor : un monde au bord du réel avec ses beaux miroirs d’eau et ses nuits éclairées par la lune. Le dénouement du film privilégie l’image forte (faut-il y voir un clin d’œil à l’inoubliable plan final du slasher Sleepaway Camp ?) à une résolution qui éclairerait toutes les ombres – c’est justement dans ces ombres qu’Animale explore la fureur d’abord inexprimée, puis libérée.

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par Nicolas Bardot

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