Critique : Anhell69

Une voiture funéraire circule dans les rues de Medellin, tandis qu’un jeune réalisateur raconte son passé dans cette ville violente. Il se souvient de la pré-production de son premier film. La jeune scène queer de Medellín est engagée pour le film, mais le protagoniste principal meurt d’une overdose d’héroïne à l’âge de 21 ans, tout comme de nombreux amis du réalisateur. Anhell69 explore les rêves, les doutes et les peurs d’une génération anéantie, et la lutte pour continuer à faire du cinéma.

Anhell69
Colombie, 2022
De Theo Montoya

Durée : 1h15

Sortie : 29/05/2024

Note :

GÉNÉRATION PERDUE

« A Medellin, on ne peut pas voir l’horizon » nous dit une voix off en introduction de Anhell69. C’est une question de géographie, puisque les premières images nous montrent les montagnes qui encerclent effectivement la ville de chaque côté. C’est aussi une métaphore : dans quelle direction fuir dans une ville dont la violence n’offre aucune porte de sortie ? Theo Montoya filme un véhicule qui semble errer dans les rues de la capitale colombienne. La voix off provient de l’habitacle et pourtant quand la caméra s’introduit à l’intérieur, on réalise qu’il s’agit d’un corbillard.

S’il n’y pas d’horizon à Medellin, Anhell69 fonce sans ménagements vers ses propres horizons cinématographiques. Inclassable, le film mélange making-of (Montoya filme sa rencontre professionnelle et amoureuse avec l’acteur, décédé depuis, de son court métrage Son of Sodom, sélectionné à Cannes), compilations d’entretiens face caméra avec des garçons queer colombiens de sa génération, et science-fiction de poche aux couleurs fluo (dans un futur proche, une nouvelle déviance nommée spetrophilie rapproche sexuellement les morts et les vivants).

Proche de l’expérimental, le résultat ne se laisse pas clairement appréhender d’entrée de jeu. Montoya explique avoir souhaité composer un « film trans » c’est à dire un film qui n’appartienne pas à un genre précis, un film sans frontière ou classification. Progressivement, ce portrait mi-réel mi-fantastique d’une génération perdue impose sa propre narration et finit par donner lieu à un émouvant vertige, comme lorsque l’on voit au générique de fin que la plupart des autres jeunes mecs ayant participé au film sont également décédés depuis, victimes soit d’overdose soit de violences.

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par Gregory Coutaut

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