Mostra de Venise | Critique : Alpha.

Après le décès de sa mère, Rein déménage dans un petit village des Alpes pour s’immerger dans la nature, méditer et travailler comme professeur de snowboard. Sa bulle silencieuse éclate lorsque son père extraverti, Gijs, vient lui rendre visite. 

Alpha.
Pays-Bas, 2024
De Jan-Willem van Ewijk

Durée : 1h40

Sortie : –

Note :

RENCONTRE AU SOMMET

Que peut-il y avoir de plus paisible que la solitude des cimes enneigées ? Probablement n’importe quel autre endroit au monde. En quittant les Pays-Bas pour venir s’installer dans cette station tout en haut des Alpes, Rein a sans doute souhaité s’isoler, peut-être même fuir quelque chose. L’immense échelle des paysages qui l’entourent au quotidien semble propice aux retrouvailles méditatives avec soi-même, mais le travail remarquable sur la photographie et la lumière indique rapidement que ces montagnes ne sont pas qu’une simple carte postale. On s’attendrait à ce que ces images tournées en altitude et par temps clair soit remplies à ras-bord d’une rassurante blancheur, or ce qui frappe dans les sommets d’Alpha., c’est précisément leurs ombres.

Les instructions d’un cours de yoga incitent les auditeurs à devenir « immuable comme une montagne », mais sous leurs airs de géants rassurants, celles-ci ont des ombres aussi immenses que des monstres. Quand Rein enfile ses lunettes et sa cagoule, les montagnes forment sur lui comme une étrange armure. La bulle de Rein va en effet rapidement voler en éclat avec l’arrivée de son père Gijs. En apparence, leurs rapports sont cordiaux, tout juste rendus un peu distants par un deuil maternel encore récent. Vite intégré au groupe d’amis de Rein, Gijs prend beaucoup de place avec son gros rire et ses histoires de charmeur. On devine beaucoup de non-dit dans la manière dont Rein bout intérieurement. Malgré le ciel infini au-dessus d’eux (mais un ciel coupé par une image au format 4:3), ce dernier étouffe. L’avalanche intérieure est proche.

Un seul moyen de régler les comptes : non pas exprimer ses sentiments puisque ces deux mâles-là en sont visiblement incapables, mais se lancer dans un combat de coqs sous la forme d’une dangereuse expédition au sommet. En slalomant entre survival et comédie, le cinéaste hollandais Jan-Willem van Ewijk compose le portrait mordant d’une masculinité toxique qui préfère encore faire face à une chaîne de montagnes plutôt qu’à une vulnérabilité intérieure. Comme une descente à ski, ce face-à-face commence au sommet avant de rejoindre des pistes narrativement plus balisées, mais sur le plan visuel, Alpha. tire son épingle du jeu jusqu’au bout, injectant à cette histoire familiale une ambitieuse brume de mystère.

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par Gregory Coutaut

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