Critique : Alice et le maire

Le maire de Lyon, Paul Théraneau, va mal. Il n’a plus une seule idée. Après trente ans de vie politique, il se sent complètement vide. Pour remédier à ce problème, on décide de lui adjoindre une jeune et brillante philosophe, Alice Heimann. Un dialogue se noue, qui rapproche Alice et le maire et ébranle leurs certitudes.

Alice et le maire
France, 2019
De Nicolas Pariser

Durée : 1h43

Sortie : 02/10/2019

Note :

L’ART LE MAIRE ET LA MÉDIATRICE

Telle l’héroïne du roman de Lewis Carroll, la jeune Alice déboule, les yeux écarquillés, dans un drôle de royaume. Le royaume du maire de Lyon, avec sa cour, ses ennemis et ses usages dictés autant par de profondes convictions que par des bricolages d’urgence. Tombée du nid douillet de ses études très théoriques de philosophie, Alice se retrouve plongée dans les méandres d’une fourmilière où tout le monde se débat avec l’absurde et le découragement. Sur quel pied danser quand personne n’est réellement capable de définir son propre poste à force de réorganisation et quand on a pour principal gouvernail de belles idées datant d’il y a plusieurs siècles ?

La république, agit pop, le grand jeu… il suffit de regarder la liste des films (courts ou longs) réalisés précédemment par Nicolas Pariser pour y voir sa passion pour la chose publique. Sous le regard amusé de sa caméra, le monde politique n’est pas qu’un théâtre d’ego caricatural. Derrière l’humour, il y a une curiosité emplie de respect pour cette gigantesque machine à transformer les idées en actions quotidiennes, cette machine à servir le peuple. Derrière les blagues de secrétariats et de couloirs où l’on se perd, c’est tout le processus démocratique qui est pris au sérieux. Le film navigue élégamment entre ces deux pôles, un peu comme si l’on passait d’une sitcom aux conversations les plus pointues d’un Rohmer, sans que l’un ne nuise à l’autre. La théorie politique et la fantaisie main dans la main, un peu comme dans une fable de La Fontaine.

Ce charmant équilibre est par ailleurs brillamment incarné par les deux acteurs principaux idéalement castés. Leur attachant mélange de charisme et de naïveté se reflètent en miroir et se complètent dans une affectueuse relation d’où chacun sortira grandi. Mais ce n’est sans doute pas un hasard si Alice est la seule à avoir son prénom dans le titre, là où le Maire est réduit à sa fonction. Ce n’est pas seulement que le cœur du film penche du côté de cet apprentissage de jeunesse, car au final Alice et le maire nous parle également beaucoup de la place des femmes en politique, surtout les jeunes. Il y a un parallèle inattendu à faire avec Zombi Child de Bertrand Bonello, également sélectionné à la Quinzaine, sur comment des jeunes filles cherchent leur place dans un paysage politique, et comment elles héritent d’une Histoire nationale qui s’est construite sans elles.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article