IDFA | Critique : A Want in Her

Myrid Carten filme depuis qu’elle est enfant, et lorsque sa mère disparaît, elle reprend sa caméra pour répondre à cette nouvelle crise. Sa mère, Nuala, autrefois une travailleuse sociale, a souffert d’une dépression nerveuse suite à la mort soudaine de sa propre mère. Elle erre désormais entre les cliniques de désintoxication, les hôpitaux psychiatriques et, parfois, la rue.

A Want in Her
Irlande, 2024
De Myrid Carten

Durée : 1h21

Sortie : –

Note :

TOUT SUR MA MÈRE

« J’ai toujours ma caméra » indique la réalisatrice irlandaise Myrid Carten, lors d’une scène où la cinéaste filme un moment intime qui n’a à première vue rien d’événementiel. Myrid Carten ne ment pas : elle avait déjà sa caméra quand elle était enfant, se mettant en scène pour ce qui ressemble à l’époque à de simples jeux. Le jeune Myrid filme tout le temps, peut-être même quand il ne le faut pas, comme en salle de classe. Qu’a-t-elle à filmer aujourd’hui ? Sa mère, Nuala, qui justement a disparu au début du long métrage. Sa mère profondément alcoolique, qui a tout perdu et qui est hors de contrôle.

Présenté cette semaine en première mondiale à l’IDFA, le festival documentaire d’Amsterdam, A Want in Her rappelle d’une certaine manière Tarnation que l’Américain Jonathan Caouette a réalisé il y a 20 ans. Dans une version beaucoup moins pop, certes, mais les deux films partagent des liens : une confrontation mère/enfant, une histoire familiale archivée par les vidéos, un récit de fractures intimes transmises d’une génération à une autre. Qu’est-ce qui flotte dans la maison ? Quelque chose d’invisible, comme le suggère l’utilisation de drones qui frôlent les murs comme une présence fantôme (« tu penses que cette maison est hantée ? », « par papy et mamie j’espère » répond-on). Pendant ce temps, la mère de Myrid est persuadée qu’un lien de télépathie l’unit à sa fille.

Ce qu’il y a à filmer est pourtant bel et bien face à la caméra de Myrid Carten. Cette dernière s’entretient avec sa mère, et quelque chose peut éclater au détour d’une conversation. C’est un éclair de lucidité, des regrets de Nuala sur ce qu’elle a oublié. Ce qui se dessine, c’est aussi ce qui se trouve derrière la caméra : Myrid Carten qui regarde, qui interviewe, mais qui ressent toute la charge de cette relation. « Je ne suis pas sa mère, je suis sa fille », se défend-elle. Ce chemin nous invite à examiner autrement les vidéos d’enfance, et à porter un autre regard sur les jeux de rôles qu’on y perçoit. Qu’est-ce qui se jouait, déjà à l’époque ? Comment grandit une jeune fille qui n’est pas censée montrer qu’elle est affectée par l’alcoolisme de sa mère ou par toute relation familiale toxique et tragique ? La cinéaste signe un portrait dense, tumultueux et cathartique qui se distingue notamment par son honnêteté et son aspérité.

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par Nicolas Bardot

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