A voir en ligne | Critique : A Family Tour

Après avoir signé le film The Mother of One Recluse, la réalisatrice Yang Shu est contrainte de s’exiler à Hong Kong. Mais lorsque sa mère doit subir une lourde opération, les deux femmes organisent leurs retrouvailles à Taïwan, où Yang doit participer à un festival de cinéma avec son mari et son fils et où sa mère fera un séjour touristique. Pour s’assurer que la réunion de famille se tienne en toute sécurité, ils descendent tous dans le même hôtel et suivent les différentes excursions pittoresques du circuit touristique.

A Family Tour
Taïwan, 2018
De Liang Ying

Durée : 1h47

Sortie : –

Note : 

UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT

On a pu découvrir le travail du réalisateur chinois Liang Ying avec son quatrième long métrage, When Night Falls, doublement primé au Festival de Locarno en 2012. Ce film était inspiré de faits réels et racontait l’histoire d’une mère dont le fils, accusé d’avoir assassiné des policiers, est condamné à mort. Liang Ying se penchait notamment sur les circonstances mystérieuses de cette tragédie, et s’est mis les autorités chinoises à dos. Il vit et enseigne désormais à Hong-Kong.

A la lumière de ce qui s’est passé autour de son précédent long métrage, le pitch de son nouveau film, A Family Tour, semble entretenir des rapports évidents avec l’histoire du réalisateur. En effet, l’héroïne de A Family Tour est une cinéaste qui s’est attirée les foudres des autorités chinoises avec son dernier film, intitulé La Mère d’un reclus (ce qui pourrait faire un titre alternatif à When Night Falls). Plus précisément, A Family Tour est la version long métrage de I Have Nothing to Say, un court que le réalisateur a tourné en même temps, et qui a été présenté à Rotterdam en début d’année. Il raconte la même histoire, du point de vue de la mère cette fois. Une histoire que Liang Ying décrit comme « autobiographique, ou du moins semi-autobiographique ».

Confronté à la censure et aux menaces du pouvoir, le cinéaste comme son héroïne doivent avancer masqués – mais le masque, ici, est presque transparent. A Family Tour décrit la douleur muette de l’exil, et les retrouvailles rocambolesques d’une famille déchirée entre la Chine continentale, Taïwan et Hong-Kong. Ying réalise une variante de road movie où l’on effectue un voyage géographique, un voyage dans l’histoire politique et un voyage à la recherche de son identité. Le film tente de suivre le parcours fléché d’une excursion touristique, mais raconte évidemment autre chose. « Vous êtes hongkongaise ou chinoise ? » demande t-on à l’héroïne. « Je suis une étrangère ».

A Family Tour se déroule notamment lors de nuits silencieuses ; c’est un film presque chuchoté. Liang Ying évoque finement (entre la mère et sa fille, au sujet de ce film polémique que l’héroïne a tourné et qui a été peu vu) l’impossibilité de la transmission d’un héritage devenu clandestin. « On fera face à ça » déclare, désabusée, la mère. Il pourrait y avoir une chape de plomb sur A Family Tour, mais le film n’est pas qu’austère et cérébral. Liang Ying sait faire naître l’émotion, tout comme il insère des ruptures de ton avec d’improbables touches d’humour. Le résultat forme un portrait familial complexe, émouvant et politique.


>> A Family Tour est visible sur Mubi

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par Nicolas Bardot

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