Du 20 février au 1er mars aura lieu la 70e Berlinale. Une édition anniversaire qui va d’autant plus attirer les regards cinéphiles qu’il s’agira d’une première pour la nouvelle équipe à la tête du festival. Suite au départ de Dieter Kosslick à l’officielle et de Christoph Terhechte au Forum, La Berlinale sera désormais dirigée par la Néerlandaise Mariette Rissenbeek (pour la partie organisation) et l’Italien Carlo Chatrian (pour la partie artistique – donc la sélection). Ce dernier a fait preuve d’un goût enthousiasmant pour le risque et l’éclectisme ces dernières années en temps que directeur du Festival de Locarno. On a hâte de le voir apporter sa touche artistique aigüe à Berlin, festival politique déjà particulièrement attaché à la diversité et aux découvertes. La sélection sera annoncée le 29 janvier. En attendant, Le Polyester sort sa boule de cristal et vous fait part de ses pronostics pour cette prochaine édition.
FRANCE
Les films français se faisaient de plus en plus rares ces dernières années à Berlin, mais l’an dernier ils ont occupé les plus hautes marches du podium et ont fait partie des meilleures découvertes des sections parallèles. Qu’est-ce que cela annonce pour 2020 ? Dans nos viseurs se trouve avant tout Le Sel des larmes de Philippe Garrel (sortie le 8 avril) qui sera l’occasion de retrouver Louise Chevillotte de Synonymes. Après son succès l’an dernier, on imagine bien Ozon retrouver le Berlinale Palast avec Été 84, tandis que la présidente de 2019 Juliette Binoche pourrait bien revenir également pour présenter La Bonne épouse de Martin Provost (probablement hors compétition). Le buzz Mignonnes de Maïmouna Doucouré a des chances de se retrouver en section parallèle suite à sa première mondiale à Sundance quelques jours avant.
Il a récemment été révélé que la dernière partie de Mektoub my Love serait prête pour ce début d’année. Du temps de Kosslick, on n’aurait pas parié cher sur la sélection en compétition d’un cinéaste aussi polémique que Kechiche. Après un premier volet présenté à Venise et un deuxième à Cannes, réussira-t-il le triplé des grands festivals européens ? Pour l’anecdote, le denier cinéaste à avoir combiné les trois avec une même œuvre était Ulrich Seidl, avec sa trilogie Paradis. Mia Hansen-Love a retourné cet été certaines scènes de son film en anglais Bergman Island (avec Mia Wasikowska et Vicky Krieps). Faut-il croire la rumeur qui veut que la post-production ait pris moins de temps que prévu et que le film serait déjà prêt pour Berlin ? On le souhaite en tout cas.
EUROPE
En termes de pronostics, certains cinéastes cumulent l’avantage d’avoir déjà récemment présenté des films à la Berlinale et à Locarno, se plaçant doublement sur nos radars. C’est le cas de la Britannique Joanna Hogg dont nous découvrions l’an dernier à Berlin le formidable The Souvenir qui fait partie de notre dossier des meilleurs inédits de 2019. Elle confiait il y a peu avoir bien avancé dans le montage de la suite, The Souvenir: Part II. C’est également le cas du Roumain Radu Jude, qui a déjà été primé dans les deux festivals, et qu’on pressent bien venir présenter Uppercase Print. Viendra-t-il accompagné de Cristi Puiu, et de son mystérieux projet Malmkrog ? Leur compatriote Alec Secăreanu, acteur de Seule la Terre de Francis Lee, sera à l’affiche de The Amulet, première réalisation de la Britannique Romola Garai (selectionné à Sundance). Quant à Francis Lee lui-même, il pourrait bien revenir à Berlin pour présenter Ammonite, une romance lesbienne en costume entre Kate Winslet et Saoirse Ronan.
Toujours du coté Europe de l’Est, on imagine d’ici The Story of My Wife de la Hongroise Ildikó Enyedi de faire happer par Cannes (bien que le film soit produit par l’Allemagne, Lea Seydoux en joue le rôle principal). Nous parions davantage sur All Inclusive de la Polonaise Małgorzata Szumowska (qui sort en mars en Pologne). Point particulier : presque tous ses films ont été montrés à la Berlinale, chacun étant à nos yeux encore meilleur que le précédent, et chacun raflant un prix de plus en plus important (Teddy Award en 2013, Prix de la mise en scène en 2015, Grand prix en 2018). Sa compatriote Agnieszka Holland a terminé Charlatan, un drame historique qui semble fait pour Berlin. Qu’en est il de l’Allemagne, justement ? La rumeur parmi les journalistes berlinois parle d’un retour de Dominik Graf et surtout de Christian Petzold. Ce dernier entame une nouvelle trilogie consacrée aux mythes avec le conte fantastique Undine (avec Paula Beer et Franz Rogowski). Nous parions également sur Schwesterlein de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond et son prestigieux casting (Nina Hoss, Lars Eidinger et Marthe Keller).
AMÉRIQUE
Dans une récente interview, Carlo Chatrian a laissé entendre qu’il n’était pas favorable à la présentation de films Netflix à moins d’un accord sur une sortie en salles. Il a par ailleurs déclaré qu’il n’était pas strictement attaché à la notion de première mondiale. Si on lit correctement entre les lignes, cela nous semble indiquer que la compétition pourrait être ouverte à des films américains ayant fait la première à Sundance quelques jours avant. Parmi les films venant d’être annoncé à Sundance, nous pensons à Wendy de Benh Zeitlin, mais surtout aux brillantes réalisatrices suivantes : Miranda July avec Kajillionaire, Eliza Hittman avec Never, Rarely, Sometimes, Always, Julie Taymor avec The Glorias et Josephine Decker (dont de nombreux films précédents sont passés par Berlin) avec Shirley, un biopic sur l’autrice Shirley Jackson. Nous parions également sur la présence aux Teddy Awards de Disclosure : Trans Lives on Screen, documentaire produit par Laverne Cox, qui revient sur l’histoire des représentations des personnes trans à Hollywood. Parions également sur la présence de Kelly Reichardt, dont le First Cow sort en mars aux Etas-Unis et qui demeure caché depuis sa première au festival de New York cet automne.
Quid des possibles premières mondiales? Misons sur la présence de Todd Haynes avec son documentaire sur Lou Reed, ou encore sur Molly que la Britannique Sally Potter est allée tourner à New York. Wes Anderson a fait deux fois l’ouverture de la Berlinale récemment (2014 et 2018), avec des films qui étaient coproduits par l’Allemagne, ce qui est à nouveau le cas de The French Dispatch, mais peut-être que Cannes voudra mettre le grappin sur ce film tourné en France ? Un grappin similaire devrait également tomber sur Nomadland de Chloe Zhao, dont tous les films ont jusqu’ici été présentés à la Quinzaine. De même, faut-il se fier à la rumeur américaine qui veut que A24 souhaiterait ne pas attendre Cannes pour présenter On the Rocks de Sofia Coppola? Elle figure en tout cas sur notre liste de souhaits, aux cotés d’Ana Lily Amirpour, dont on espère que le Mona Lisa and the Blood Moon sera prêt.
Trois films d’Amérique latine sont sur nos radars. Les Brésiliens Marco Dutra (grand prix à Locarno pour Les Bonnes manières) et Caetano Gotardo ont semble-t-il fini la post-production de Todos os Mortos cet automne à Paris. Autre cinéaste passé par Locarno, le Mexicain Julio Hernández Cordón pourrait venir présenter Se escuchan aullidos. Quant à la Péruvienne Claudia Llosa, reviendra-t-elle à Berlin dix ans tout pile après son Ours d’or pour Fausta, sachant que son nouveau film Distancia de rescate est une production… Netflix?
ASIE
L’un des grands points forts des sélections de Locarno, et qu’on à hâte de voir transposé à Berlin, c’était le flair de Chatrian en ce qui concerne les découvertes venues d’Asie. Par essence, difficile de faire des prédictions sur les jeunes cinéastes, mais plusieurs réalisateurs aguerris ont actuellement des films en finition. On commençait à être – relativement – sans nouvelles d’Hong Sang Soo, après ses 3 films en 2017 et 2 films en 2018. Or, des photos d’un nouveau tournage coréen ont circulé cet automne. De même, des premières images de When the Waves are Gone du Philippin Lav Diaz ont récemment été dévoilées. Le fait qu’il ait récemment été primé à la fois à Berlin et Locarno le place haut parmi nos paris, si le film est bel et bien terminé. Même interrogation quant au documentaire chinois So Close to My Land de Jia Zhang-Ke.
Parmi les films dont on sait qu’ils sont prêts, misons sur deux Japonais: The Phone of the Wind de Nobuhiro Suwa sort quelques jours avant au Japon, et le probablement fou Labyrinth of Cinema de Nobuhiko Obayashi n’a pas circulé depuis sa récente première au Festival de Tokyo. Par ailleurs, cette prochaine édition sera-t-elle l’occasion d’enfin voir One Second de Zhang Yimou, qui fut retiré de la compétition berlinoise l’an dernier à quelques jours de sa projection ?
Dossier réalisé par Gregory Coutaut le 15 décembre 2019.
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