A voir en ligne | Critique : Le Daim

Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet.

Le Daim
France, 2019
De Quentin Dupieux

Durée : 1h17

Sortie : 19/06/2019

Note :

FASHION VICTIME

Quentin Dupieux a construit en quelques longs métrages tout un univers parallèle de films zinzins et absurdes. Le pitch surréaliste du Daim semble prolonger le geste, mais il y a une différence notable comme le cinéaste le dit lui-même : « Je voulais filmer la folie. J’ai l’étiquette d’un réalisateur qui fait des films fous, mais je n’avais jamais vraiment filmé la folie en face ». Le cheminement et la construction du Daim sont donc peut-être plus réalistes (un mot à employer avec précaution chez Dupieux) mais le bizarre ne tarde pas à s’inviter dans ce nouveau long métrage.

Georges est fasciné par son nouveau blouson en daim, par sa matière, par son style qui l’ensorcèle. Qu’est-ce qui différencie son daim de son ancien blouson en velours côtelé, et sur lequel la caméra s’attarde ? La question elle-même est déjà absurde et l’on bascule dans la lubie de ce protagoniste tout seul. Dolly Parton, dans l’une de ses chansons, parlait de « country girl’s idea of glam » pour évoquer son look extravagant. C’est un peu la même idée pour Georges – ici, l’idée suprême du chic pour un mec paumé à tous les sens du terme.

Georges débarque dans un hôtel resté dans son jus. Qui s’arrête donc dormir là ? Qui fréquente ce bar ? Qui aujourd’hui se sert de ce caméscope ? Qui lit ce manuel de cinéma totalement obsolète ? Dupieux filme le réel et le présent comme une dimension parallèle coupée du temps et du monde. C’est attachant et fascinant en même temps, et l’on sait que le cinéaste manie les sensations contradictoires à merveille. Les couleurs semblent voilées mais la folie palpite, les scènes sont cocasses mais la musique horrifique, et le rire fait du va-et-vient jusqu’au rire jaune.

C’est ce qui donne une dimension supplémentaire à ce Daim : au-delà du pitch façon farce non-sensique, Dupieux embrasse le pathétique de son héros, le malaise mytho parfois drôle, parfois inconfortable. Sa concision (début direct, fin brutale) ajoute à l’étrangeté de ce film où la bizarrerie n’est pas qu’un élément lunaire et clownesque mais figure dans l’ADN humain. Tout cela est porté à merveille par le cast : on ne se souvient plus de la dernière fois où l’on a vu Jean Dujardin aussi bon, tandis qu’Adèle Haenel donne l’impression de n’avoir jamais joué comme cela auparavant. Voilà qui colle tout à fait à l’imprévisible cinéma de Dupieux qu’on croit connaître mais nous surprend une nouvelle fois.


>>> Le Daim est visible en ligne sur UniversCiné

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par Nicolas Bardot

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