Festival de Cannes | Critique : The Mastermind

Un père de famille en quête d’un nouveau souffle décide de se reconvertir dans le trafic d’œuvres d’art, dans l’Amérique des années 1970. Avec deux complices, il s’introduit dans un musée et dérobe des tableaux. Mais la réalité le rattrape : écouler les œuvres s’avère compliqué. Traqué, il entame alors une cavale sans retour.

The Mastermind
États-Unis, 2025
De Kelly Reichardt

Durée : 1h50

Sortie : prochainement

Note :

MON PAPA A MOI EST UN GANGSTER

James est un voleur. Il a beau avoir des airs de jeune prof très respectable, il aime à employer son agilité à dérober des petits objets et œuvres d’art. James est aussi un amateur d’art. Ses larcins se font au musée du coin, peu fréquenté et aux gardes souvent endormis. James est aussi un père de famille que l’on devine aimant, à en juger par l’épanouissement de ses deux jeunes fils qui l’accompagnent régulièrement au musée. James semble savoir tout faire, et peut-être que le surnom de cerveau lui correspond il en effet. La séquence d’ouverture du nouveau film de Kelly Reichardt est remarquable à plus d’un titre, car les trois visages de James se superposent le temps d’une virevoltante déambulation chorégraphie dans des salles des peinture. Ce que mijote exactement cet adulte aux airs de grand ado, le rôle qu’endossent sa femme et ses enfants dans cette affaire, tout ceci est écrit avec une absence de dialogues et une délicatesse qui laissent toute la place aux diverses interprétations mises en grand appétit.

Dans Certain Women, Kelly Reichardt de-masculinisait les mythes de l’Amérique à la papa (l’ouest sauvage et ses cowboys, les pères fondateurs). En débutant ainsi surs des airs d’élégante comédie en sourdine, The Mastermind ne ressemble pas beaucoup à Certain Women, mais Reichardt y creuse pourtant une veine similaire. D’abord car elle aborde à nouveau un genre cinématographique typiquement américain (les films de braquage des années 70) pour le débarrasser des ses habituels clichés où la masculinité est iconisée à outrance. Caster Josh O’Connor, avec son physique de doux intello, dans le type de rôle habituellement dévolu à des gaillards taiseux fait preuve d’un point de vue poétique au décalage rafraîchissant.

Après une première partie jazzy et amusante, où les chaleureuses couleurs automnales sont mises en valeur par la superbe photo de Christopher Blauvelt, The Mastermind change de masque. Les petits tours de force de James deviennent plus foireux. A force de voir son pouvoir s’appauvrir, ce dernier va devoir repenser sa place dans sa famille et dans le monde en général. Le cerveau sûr de son petit tour de charme se retrouve à errer sur les routes dans une Amérique marginale et alternative qui parvient très bien à vivre sans père fondateur, surtout quand ces derniers ne sont pas aussi doués qu’ils le pensent. The Mastermind évolue vers une tristesse poignante à mesure que son protagoniste isolé dévoile une profondeur et une dimension pathétique dans laquelle excelle Josh O’Connor. Cette nouvelle réussite confirme que le cinéma de Kelly Reichardt a l’air bricolé à base de petits riens mais que l’émotion qu’il suscite est au contraire incisive et ambitieuse.

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par Gregory Coutaut

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