
Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s’écroule le jour où elle rentre de l’école avec un tatouage sur le bras.

Alpha
France, 2025
De Julia Ducournau
Durée : 2h08
Sortie : 20/08/2025
Note :
COMME UN ÉCLAIR DANS LE BROUILLARD
Vers où rebondir après avoir gagné une Palme d’or dès son deuxième long métrage ? Il faut reconnaître à Julia Ducournau le refus de la facilité et de la répétition. Dans Alpha, son style ne se reconnaît en effet clairement que dans quelques instants où la caméra se concentre sur les corps secoués de ses personnages (une bagarre nerveuse, une visite médicale intrusive). Si l’on fait exception de ces brefs instants, Alpha est si différent de Grave et Titane qu’on se demande qui pourrait bien réussir à attribuer ce drame familial à Ducournau dans un test à l’aveugle. L’appellation drame familial ne rend sans doute pas justice à l’échelle visée par la cinéaste. En effet, Alpha peut également être vu comme un film d’époque ou une parabole dystopique. Elle correspond néanmoins adéquatement à la grande majorité du film, cohabitation domestique tendue entre une adolescente, sa mère et et son oncle. Imaginait-on voir chez Ducournau une scène aussi banale, aussi tristement cliché et récurrente dans le cinéma français, qu’un déjeuner de famille du dimanche entre rires et larmes ? Le souhaitait-on ?
Alpha est le nom de la jeune protagoniste du film. Celle-ci ne sait plus vraiment comment se comporter face à son amoureux, face à sa mère, à son oncle que les drogues ont rendu si émacié qu’elle le prend d’abord pour un sdf, et face à la menace générale d’un nouveau virus qui se transmettrait par le sang et la aiguilles. Le mot sida n’est jamais prononcé, mais il est sous-entendu à plein volume. Il n’y a pas de marqueurs temporels clairs dans Alpha et l’action donne l’impression de se dérouler à la fois dans le passé (aucun téléphone portable, des fringues banales) et un futur de science-fiction. Entre la parabole lyrique et des parallèles trop insistants pour désigner une autre maladie, le film a du mal à trouver une équilibre clair.
La jeune Alpha ne sait pas comment se comporter alors elle crie. Sa mère ne sait pas comment réagir alors elle crie. Son oncle ne sait pas vivre sans drogue alors il fait ces crises où il crie. Ducournau pousse le niveau d’intensité du stress familial très fort (ce qui n’aide franchement pas à s’attacher aux personnages déjà réduits à des archétypes) et hélas elle n’a pas la main plus légère pour emballer sa mise en scène. De tons grisâtres et longs ralentis, l’emphase pesante (et pour tout dire : parfois presque grotesque) d’Alpha est à la fois une question d’écriture et de mise en scène. Le résultat final possède l’étrangeté bancale et intrigante de ce que l’on nomme les films malades, mais ses éclats poétiques demeurent toujours un peu trop masqués par un brouillard confus.
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par Gregory Coutaut