Festival de Cannes | Critique : L’Engloutie

1899. Par une nuit de tempête, Aimée, jeune institutrice républicaine, arrive dans un hameau enneigé aux confins des Hautes-Alpes. Malgré la méfiance des habitants, elle se montre bien décidée à éclairer de ses lumières leurs croyances obscures. Alors qu’elle se fond dans la vie de la communauté, un vertige sensuel grandit en elle.

L’Engloutie
France, 2025
De Louise Hémon

Durée : 1h38

Sortie : 24/12/2025

Note :

CONNAISSANCE DU MONDE

L’action de L’Engloutie, premier long métrage de la cinéaste française Louise Hémon, se déroule dans un village de haute montagne qui semble perpétuellement recouvert de neige. Cela pourrait être un décor fait pour les légendes et les contes (comme dans La Tour de glace de Lucile Hadzihalilovic), mais au contraire : c’est le réel qui vient frapper à la porte des villageois. Nous sommes à la fin du 19e siècle, et la jeune Aimée est ce qu’on appelle une institutrice républicaine. Avec son ton docte et sa douceur de bonne sœur, elle arrive avec la mission d’éduquer petits et grands, de leur apprendre à penser par eux mêmes afin de devenir « des citoyens libres ». Avec son jeune âge et ses joues rondes, Aimée a tout de l’inoffensive institutrice dont les leçons ne dépassent pas la géographie la plus basique. Mais le contact avec les croyances parfois étonnantes de la population locale va réveiller quelque chose en elle et dans le village.

On pourrait complimenter de manière similaire le film dans son ensemble. A première vue, L’Engloutie ressemble à un film en costumes de plus, mais peu à peu l’ensemble dévoile sa merveilleuse personnalité singulière. Cela passe d’abord par certains détails, notamment dans les dialogues où les certitudes de chacun qui s’entrechoquent avec poésie. Puis cela contamine progressivement la mise en scène, comme cette scène dans une grotte dont les paroies paraissent haleter de plaisir. Aimée est censé représenter la raison mais nul ne la prend très au sérieux, et elle-même commence à ressentir une attirance particulière pour certains garçons du village. La culture n’arrive pas à imposer sa supériorité face à la nature, tel est le bras de fer qui se joue dans ces chaumières.

Devant certaines scènes de L’Engloutie, on ressent une quasi certitude d’être devant une comédie doucement moqueuse. Face à d’autres, devant un ambitieux cours de philosophie sur le libre arbitre. A d’autres moments encore, on se demande si on n’est pas en train de regarder de la folk Horror depuis le début. La rencontre entre le nouveau et l’ancien monde selon Louise Hémon possède bien de facettes différentes, et travaille une délicieuse imprévisibilité tranquille derrière de sages apparences. L’ambition derrière la simplicité, voilà sans doute la marque des grands scénarios.

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par Gregory Coutaut

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