
Mai 2020 à Eddington, petite ville du Nouveau Mexique, la confrontation entre le shérif et le maire met le feu aux poudres en montant les habitants les uns contre les autres.

Eddington
États-Unis, 2025
De Ari Aster
Durée : 2h25
Sortie : 16/07/2025
Note :
LA VILLE EST TRANQUILLE
Tout d’abord : une frustration à évacuer. La carrière d’Ari Aster est encore jeune et il est appréciable que Cannes n’ait pas attendu longtemps pour l’inviter en compétition, mais il y a de quoi s’agacer qu’après avoir signé d’excellents films d’horreur (ayant été vus et aimés même par un public qui n’en voit jamais), Aster doive réaliser un western pour se voir sélectionner au festival. Comme quoi même dans le cinéma dit de genre, il y a une hiérarchie des genres, et le genre favori des papas a encore le privilège de la priorité. Heureusement et évidemment, Eddington n’est pas un western classique. Il y a bien un shérif, des paysages désertiques et des versions modernes de duels et autres règlements de compte, mais il règne sur ce monde-là un air de sauvagerie brutale qui, sans aller jusqu’à l’horreur, évoque la folie dangereuse de l’Ozploitation.
En septembre 2021, le magazine américain Fangoria publiait un article sur la pertinence qu’il y aurait, dans le climat politique mondial actuel, de faire une nouvelle adaptation cinématographique du roman Bazaar de Stephen King. Même si le récit d’Eddington n’a rien de surnaturel, il raconte également et avec un mélange de peur et d’humour similaire comment une communauté va se retrouver manipulée jusqu’à s’entretuer par un homme avide de pouvoir. Aster n’aurait presque pas besoin de souligner le parallèle entre cet antihéros néfaste et l’actuel président américain, ou tous ses avatars étrangers. Le problème c’est justement qu’Aster insiste beaucoup. Il peut paraître à côté de la plaque de repêcher un éventuel manque de subtilité à un film qui privilégie l’éclat et le choc, mais Eddington est effectivement souvent pesant.
Le shérif Joe (Joaquin Phoenix, bien sûr excellent) se lance en politique et se présente contre le maire en place, d’origine mexicaine (Pedro Pascal). L’affrontement entre les egos de ces deux vieux gars sûrs de leurs coups éveille peu à peu le chaos dans toute la ville. Il y a les racistes, les obsédés réacs de la conspiration (l’action se déroule au moment du confinement, sans que ce choix s’avère très pertinent), mais il y a aussi les jeunes protestataires et le mouvement Black Lives Matter. Tout le monde est visé dans ce jeu de massacre, et même si les conservateurs fervents sont bel et bien les pires méchants dans cette histoire, il y a un cynisme misanthrope un peu gênant dans la manière dont Aster filme ses contemporains comme s’ils avaient tous tort, quel que soit leur bord ou leur âge. Avec sa dégaine bizarre de film difficilement classable, avec sa férocité parfois réjouissante, Eddington n’est pas sans réussite, mais l’ensemble ne conserve pas un équilibre idéal entre satire politique et film de genre et s’essouffle en cours de route.
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par Gregory Coutaut