
L’histoire d’une famille et d’une entreprise familiale. À l’affiche, Benicio del Toro dans le rôle de Zsa-zsa Korda, l’un des hommes les plus riches d’Europe ; Mia Threapleton dans le rôle de Liesl, sa fille/une religieuse ; Michael Cera dans le rôle de Bjorn, leur tuteur.

The Phoenician Scheme
États-Unis, 2025
De Wes Anderson
Durée : 1h41
Sortie : 28/05/2025
Note :
LA MAISON DE CIRE
Est ce que les films de Wes Anderson, c’est vraiment toujours la même chose ? Oui et non, car derrière l’unité de style évidente et les castings récurrents, certains de ses derniers longs métrages possédaient des structures narratives alambiquées dont les zigzags (les récits dans les récits ou autres gimmicks méta dans The French Dispatch et Asteroid City) allaient justement à l’encontre de la prévisibilité qu’on lui reproche souvent, et pas toujours à tort. Et puis, quel serait exactement le problème s’il faisait toujours le même film? Après tout c’est une remarque que l’on peut faire en apparence à propos des œuvres de Rohmer ou d’Hong Sangsoo, mais ce que ces cinéastes explorent familièrement de film en film, c’est justement une imprévisibilité (celles des sentiments, de l’art, des liens humains). C’est sans doute davantage là que ça coince dans le cas d’Anderson. La répétition y est plus anxiogène car les films sont de plus en plus bâtis comme des dioramas fixes et rigides. Si Hong Sangsoo filme le quotidien et parvient à y faire jaillir des vertiges magiques, Anderson bâtit des aventures riches de potentiel extraordinaire mais les enferme dans des vitrines de plus en plus épaisses et glacées.
The Phoenician Scheme n’est à aucun titre le film du renouvellement que l’on est désormais en mesure d’attendre de ce cinéaste particulièrement doué mais enfermé dans ses habitudes. Les interprètes n’ont plus rien d’autre à jouer qu’un extrême détachement pince-sans-rire, grimés d’une moustache ou d’un chapeau en guise de gags dont la malice désuète ne fait plus rire grand monde. Ceci concerne celles et ceux qui ont des vraies scènes, car certains interprètes célèbres sont ici réduits a des cameos muets et si brefs qu’on ne réalise leur présence qu’en lisant le générique de fin. Le peu de temps d’écran, de dialogue ou de vie qu’Anderson donne à ses comédiens apporte à son cinéma une dimension cruelle et même morbide qu’on serait à vrai dire bien curieux de voir davantage assumée comme telle et exploitée. Pourquoi morbide ? Parce que The Phoenician Scheme ressemble moins à la comédie d’aventures annoncée qu’à des tableaux composés à l’aide de poupées humaines empaillées. Un très joli sarcophage, un musée de cire.
Ce n’est pas fatalement un défaut ou une faute, et surtout cela n’empêche pas le film d’être une nouvelle fois un plaisir pour les yeux qui vagabondent dans les moindres détails et recoins de l’image généreuse en couleurs et en style. Il n’y a pas un plan, même furtif, qui ne soit immanquablement identifiable comme « un plan à la Wes Anderson ». Cette beauté ne devrait ni être prise pour acquise ni oubliée, mais il est vrai que toutes ces compositions millimétrées faites avec un soin fétichiste de collectionneur de papillons participent justement à l’impression générale de voir par moments une œuvre si peu surprenante ou touchante qu’elle semble sortie d’une intelligence artificielle.
| Suivez Le Polyester sur Bluesky, Facebook et Instagram ! |
par Gregory Coutaut