Festival de Cannes | Critique : Que ma volonté soit faite

La jeune Nawojka, qui vit avec son père et ses frères dans la ferme familiale, cache un terrible secret : un pouvoir monstrueux, qu’elle pense hérité de sa défunte mère, s’éveille chaque fois qu’elle éprouve du désir. Lorsque Sandra, une femme libre et sulfureuse originaire du coin, revient au village, Nawojka est fascinée et ses pouvoirs se manifestent sans qu’elle ne puisse plus rien contrôler.

Que ma volonté soit faite
France, 2025
De Julia Kowalski

Durée : 1h35

Sortie : prochainement

Note :

LA SORCIÈRE EN MOI

La Française Julia Kowalski s’était distinguée il y a déjà dix ans avec un charmant premier long métrage, Crache-cœur, qui avait fait sa première mondiale au Festival de Cannes, à l’ACID. La voici de retour à Cannes, cette fois à la Quinzaine, avec son deuxième long, Que ma volonté soit faite. Mais entre ces deux films, Kowalski a tourné un moyen métrage très remarqué : J’ai vu le visage du diable, lui aussi présenté sur la Croisette. Que ma volonté soit faite est plus proche de la chronique d’exorcisme déployée dans J’ai vu le visage du diable que du récit d’apprentissage coloré de Crache-cœur, sans toutefois en être un décalque ou une extension. Malgré sa scène d’ouverture dans la pénombre et les flammes, malgré cette première réplique (« Ma mère s’agenouillait devant Satan »), Que ma volonté soit faite n’est pas purement un film de possession démoniaque. De quoi Satan est-il ici le nom ?

La jeune Nawojka (convaincante Maria Wróbel, déjà à l’affiche de J’ai vu le visage du diable) vit un quotidien morose à la ferme, entre son père, ses frères et des vaches mourantes. Vieilles pierres, vieux meubles, rien de très excitant à première vue. Elle observe la vie à travers les trous dans le mur et découvre Sandra, une femme mystérieuse de retour au village mais qui n’est visiblement pas une inconnue pour les habitant.es. Saluons la très bonne idée d’avoir choisi Roxane Mesquida pour ce rôle d’anomalie vivante : d’abord pour ses qualités d’actrice, mais aussi pour sa persona, sa place totalement à part dans le cinéma français.

Qu’est-ce qui brûle ? Qu’est-ce qui couve, que cherchent les zooms au cœur de la nature ou lors des bacchanales d’un mariage dans la grange ? Le bois noir dissimule tout horizon pour la jeune Nawojka mais l’horizon le plus profond, encore inconnu, est peut-être en elle. Lors d’une scène de chasse nocturne qui rappelle de manière directe celle de la chasse aux kangourous dans Réveil dans la terreur de Ted Kotcheff, le quotidien enlisé dans la boue semble prêt à dangereusement basculer à tout moment. Dans Que ma volonté soit faite, les femmes-fantômes viennent rappeler aux hommes ce qu’ils font aux autres femmes. Le devenir sorcière est une émancipation ; être sorcière est peut-être un pouvoir qui est là dès le départ et que l’héroïne doit s’approprier. Si Que ma volonté soit faite manque à nos yeux d’aspérité et d’intensité, s’il reste à notre sens trop au bord des choses, la cinéaste fait preuve d’un point de vue singulier sur l’adolescence et la féminité à l’épreuve des hommes et de leurs mondes cadenassés.

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par Nicolas Bardot

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