
Alors que Cécile s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l’infarctus de son père. Loin de l’agitation parisienne, elle recroise son amour de jeunesse. Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…

Partir un jour
France, 2025
D’Amélie Bonnin
Durée : 1h34
Sortie : 13/05/2025
Note :
LES MOTS SONT NOS VIES
Partir un jour fait sa première mondiale en ouverture du Festival de Cannes, et il est à la fois difficile et important de ne pas voir le film uniquement à travers ce filtre. Il s’agit en effet de la toute première fois de la histoire du festival que le film d’ouverture est un premier film, c’est à dire signé d’un.e cinéaste quasi inconnu.e. La réalisatrice Amélie Bonnin adapte certes son propre court métrage du même nom qui avait remporté le César du meilleur court il y a deux ans, mais la carrière de ce dernier ne doit pas énormément dépasser les frontières françaises, même chose (d’une certaine manière) pour la notoriété de Juliette Armanet ou celle des tubes francophones qui composent cette comédie musicale. Si l’honneur disproportionné de cette place prestigieuse d’ouverture paraît avoir été attribué de façon bien arbitraire, c’est qu’on se demande ce que les très nombreux spectateurs étrangers ont pu penser devant ce projet franco-français ou l’on cite Kev Adams, Nikos et Maïté. L’effet nostalgique ou humoristique de ces tubes du Hit Machine provoque-t-il le moindre effet pour qui ne les a jamais entendus?
Partir un jour possède dans son baluchon le capital sympathie de départ de toute comédie musicale un peu fantaisiste. Celui-ci n’est néanmoins pas assez original pour suffire à contrebalancer le manque d’ambition et de rigueur générale : dialogues explicatifs, clichés sociologiques, une actrice principale moyennement convaincante et pas une seule scène qui cherche à tenter quelque chose d’intéressant en terme d’image ou de mise en scène. Avec son récit de citadine indépendante retrouvant ses valeurs et son premier amour dans son village d’enfance (pour qui a vu le court d’origine : les rôles sont en effet inversés), Partir un jour n’est qu’un téléfilm de noël sans noël.
Sans noël mais avec des tubes d’antan qui expriment ce que les personnages n’osent pas dire à voix haute. Voilà une entreprise noble : montrer ce que les chansons populaires sont les seules à pouvoir exprimer d’à la fois intime collectif, avec leurs paroles très simples qui traversent pourtant les décennies et les classes sociales. Le sujet mérite d’être traité en profondeur et avec point de vue, et ce sont justement les deux qualités qui font défaut à au film. Partir un jour ne possède ni la singularité élégante d’On connaît la chanson, ni la richesse de niveaux de lecture de 8 femmes (ni l’ambition de mise en scène de l’un ou de l’autre). Peut être que ce qu’il manque ici c’est un regard queer, un point de vue qui puisse être convaincu et convaincant quant à l’émotion unique qu’il y a à s’approprier les sentiments populaires quand on n’a soi-même pas le droit ou l’occasion de les exprimer. C’est ce que font les bons artistes drag en faisant un lispync : c’est fictionnel et autobiographique, faux et vrai dans le même geste. Superficiel, le résultat ressemble moins ici à un lipsync qu’à un karaoké d’enterrement de vie de jeune fille.
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par Gregory Coutaut