
Les vacances d’été. Sardaigne, Italie. Un (road) trip en famille. Claudine, bientôt 11 ans, raconte leurs aventures au fur et à mesure. Quand Raoul, son frère de 3 ans, ne l’en empêche pas…

L’Aventura
France, 2025
De Sophie Letourneur
Durée : 1h40
Sortie : 02/07/2025
Note :
JE TE CAUSE
Le titre du nouveau film de Sophie Letourneur perd un V par rapport à la rigueur linguistique (de façon anti-intuitive pour les francophones, le mot italien signant aventure s’écrit en effet avventura), mais le double clin d’œil persiste. L’Aventura référence le film d’Antonioni bien sûr, puisqu’il s’agit d’une suite au précédent film de Letourneur au titre déjà plaisantin, Voyages en Italie (en attendant un troisième volet potentiellement nommé Divorce à l’italienne), mais il évoque aussi le tube de Stone et Charden, que la cinéaste et Philippe Katerine reprennent d’ailleurs au générique. Un pied dans la culture intello, l’autre dans la culture populaire : tel est l’attachant cinéma de Letourneur. Attachant, mais paradoxalement pas toujours confortable. Voilà son petit tour de magie : l’un n’empêche pas l’autre.
L’Aventura est une comédie névrosée d’inspiration autobiographique où Sophie Letourneur se met une nouvelle fois en scène avec son époux de cinéma Philippe Katerine pour un voyage transalpin gentiment chaotique (avec enfants, cette fois) où personne n’est capable de s’organiser simplement ou harmonieusement. Faire une suite directe pourrait avoir l’air d’un petit manque d’imagination, mais plutôt que de se contenter du confort, la réalisatrice surligne ici la personnalité bizarre de son cinéma. Ses films précédents possédaient déjà une forme brute et punk à rebours des codes des comédies formatées? Elle n’a visiblement pas eu l’intention de mettre de l’eau dans son vin. Voyages en Italie ressemblait déjà à un impossible dialogue de sourds ? Elle pousse le bouchon bavard encore plus loin. Ce nouveau film ne générera pas le rire et l’angoisse uniquement chez qui déteste le manque d’organisation, mais aussi chez quiconque espère qu’une discussion puisse avoir un début, un milieu et une fin. L’Aventura a beau être une comédie, il y a parfois de quoi se demander si on n’est pas tombé en plein cauchemar psychologique.
De façon méta, le scénario combine en réalité deux récits : on suit à la fois les vacances familiales et le bilan de ces vacances que l’héroïne/réalisatrice enregistre tant bien que mal en vue d’un futur film. Outre qu’il génère deux fois plus de dialogues (on a prévenu que le film était bavard ?), ce procédé à la Hong Sangsoo est à la fois source de gags à force de décalages et trous de mémoire têtus, mais aussi d’émotion. Car ce que Letourneur met ici en scène ce n’est pas seulement une difficulté à se faire comprendre même par les gens qu’on aime le plus, c’est l’impossibilité de figer le temps une bonne fois pour toutes, y compris et surtout les moments les plus fugaces et triviaux des vacances. L’Aventura n’est peut-être pas le film le plus facile d’accès de Letourneur, mais quelque part tant mieux, car derrière les jeux de miroirs narratifs et les blagues crades, c’est sans doute son film le plus singulier.
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par Gregory Coutaut