Festival National du Film d’Animation | Entretien avec Marion Jamault

En compétition cette semaine au Festival National du Film d’Animation de Rennes, Filante raconte l’histoire d’une fillette qui s’adresse à une étoile et lui confie son rêve le plus cher. La Française Marion Jamault signe un court métrage au charme irrésistible, aux couleurs ravissantes et au riche imaginaire. La réalisatrice est notre invitée.


Quel a été le point de départ de Filante ?

Il y a quelques années je suis tombée sur la vidéo YouTube d’une chauve-souris mangeant une banane. Je suis devenue accro à cet animal à la fois un peu flippant et super mignon. J’ai commencé à en dessiner plein dans mes carnets de croquis et puis je ne sais pas trop pourquoi, je finissais toujours par les habiller avec des costumes à paillettes. Un jour, je me suis attardée très sérieusement sur l’un de ces dessins en me demandant « mais comment cette chauve-souris a bien pu se retrouver là, ainsi vêtue d’un magnifique body pailleté ? ». C’est à partir de cette question existentielle que j’ai développé l’histoire de Filante.



Votre utilisation des couleurs est très spectaculaire dans Filante, pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?

J’ai commencé le cinéma d’animation sans avoir la passion du dessin. Je voulais avant tout raconter des histoires en utilisant des techniques de sculpture et de modelage. Au cours de mes études en animation, j’ai découvert le papier découpé, un médium auquel je me suis immédiatement attachée.

Avec cette technique, les éléments qui composent une image se superposent sans contours. La question de la couleur arrive donc très vite dans le processus de création. La plupart du temps, lorsque j’imagine un lieu ou un personnage, je visualise d’abord sa couleur avant ses formes. J’aime créer des images nettes dans lesquelles chacun des éléments se détachent les uns des autres, ce qui me pousse naturellement à choisir des palettes très contrastées.

J’ai aussi choisi l’animation pour le plaisir d’inventer des mondes qui n’existent pas, ce qui m’amène à manipuler la couleur pour sa force expressive sans m’attacher au réel.



Quelles questions se pose-t-on, en termes de mise en scène et d’écriture, lorsqu’on compose une histoire sans dialogues ?

Avant sa réalisation, je savais que le film devait être intégré dans un programme de courts métrages muets. Il me fallait donc créer un film sans dialogue et ce fut justement mon plus gros challenge sur ce projet. Cette contrainte conditionne tous les choix de mise en scène. Il faut réussir à faire passer les informations narratives en grande partie par les actions des personnages, et sans que cela ne se ressente. Cela demande de s’emparer davantage des autres outils du cinéma pour transmettre l’histoire : la musique, la composition des plans, le choix des décors, les couleurs, le rythme, etc.



Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Même si j’ai toujours adoré les dessins animés, leur fabrication m’a longtemps paru inaccessible. Entre autres parce qu’il fallait passer par le dessin justement. Et puis un jour je suis tombée sur le travail de Vincent Pianina et Lorenzo Papace qui à l’époque s’amusaient à parodier des publicités, en bricolant des films en stop motion dans leur appartement, un peu à la manière des films suédés de Michel Gondry. Je me souviens du déclic que cela m’a procuré. Tout à coup, il me paraissait possible de faire du cinéma avec « des petits bouts de trucs bricolés ».



Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent à l’écran ?

En ce moment, je travaille à la réalisation de mon premier clip animé, conçu pour le groupe Chamaye. À cette occasion, j’ai voulu explorer ce qui avait déjà été fait dans le domaine. Cette recherche m’a permis de découvrir une centaine de clips animés, dont plusieurs petites pépites, parfois cachées. J’ai l’impression que ce format très court et souvent libre permet aux réalisateurices de tester des idées et de stimuler la créativité. Un des plus originaux sur lequel je suis en boucle depuis quelques semaines est le clip Rien de Jacques, réalisé par Govo.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 25 avril 2025. Un grand merci à Estelle Lacaud.

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