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Une île isolée, à la périphérie de Taipei. Un endroit où le temps et la mémoire se dissolvent dans la brume. Une mystérieuse jeune femme apparaît sur l’île. Belle et insaisissable, elle est une gardienne silencieuse d’histoires oubliées. Un jeune homme, qui rêvait autrefois de s’échapper, retourne dans sa ville natale, mais il est maintenant pris entre un passé et un avenir tout aussi impossibles à saisir. Son chemin croise celui de la femme dans ce coin abandonné du monde.
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Eel
Taïwan, 2025
De Chu Chun-Teng
Durée : 1h42
Sortie : –
Note :
AU FIL DE L’EAU
Tout commence par une fin. Ou presque. Dans un fleuve ensoleillé, une jeune femme se jette à l’eau et disparaît pour de bon. Ailleurs, un jeune homme travaille dans une usine de traitement de déchets et se sent tiraillé par des désirs qu’il peine à exprimer. Le coin de Taïwan où se déroule Eel a beau ressembler à un paisible petit paradis tropical, cela n’empêche pas les protagonistes de se sentir happé par un ailleurs. Le cinéaste Chu Chung-Teng, qui signe ici son premier film, possède un certain talent pour filmer une région à la fois accueillante et bizarrement hors du temps. La grande ville aux gratte-ciels et les marécages tranquilles s’alternent a l’image et parfois se rencontrent dans le même cadre, dans un surgissement poétique presque anachronique. Ça tombe bien car c’est la scène où les deux protagonistes se rencontrent également.
Lors d’une baignade en pleine nature, le garçon tombe sur le cadavre de la fille, transporté par la rivière. Sauf que celle-ci se réveille sans heurt. Avait-on interprété à tort la scène d’ouverture comme son suicide? Le film vient-il au contraire de basculer dans le fantastique ? Avec une élégance un peu têtue, le scénario refuse de trancher. C’est loin d’être la dernière fois que Eel, telle l’anguille qui lui donne son titre, va nous glisser joliment entre les doigts. Suite à cette rencontre, les protagonistes vont se retrouver irrémédiablement liés comme les personnages d’une légende, et vont cohabiter dans une cabane au bord de la eau au fil d’un quotidien répétitif à la fois chaotique et érotique, soit un pitch qui rappelle la période faste du cinéma du coréen Kim Ki-Duk.
Le récit de Eel n’est pas des plus aisés à suivre. Si tant est que le mot de récit soit justement celui qui convienne le mieux pour cette plongée dans une torpeur tropicale où les personnages sont presque davantage des allégories que des êtres humains et où les actions à proprement parler sont très peu nombreuses. Cette opacité est parfois agaçante, mais elle offre en contrepartie une atmosphère riche et un rythme mystérieux dans lequel on s’enfonce avec un plaisant lâcher prise.
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par Gregory Coutaut