Berlinale | Critique : Timestamp

Garder les écoles ouvertes en Ukraine est une tentative de sauver au moins une partie de la vie normale que les gens avaient avant que la guerre n’éclate le 24 février 2022 (ou dans certaines régions même plus tôt, en 2014). Timestamp donne un aperçu de la façon dont la guerre affecte la vie quotidienne des élèves et des enseignant.es.

Timestamp
Ukraine, 2025
De Kateryna Gornostai

Durée : 2h05

Sortie : –

Note :

CLASSE A PART

Des cours de mathématiques, des cours d’anglais, mais aussi des cours de danse, de peinture ou encore l’apprentissage du régime alimentaire des animaux dans la nature. Les cours dans le documentaire Timestamp ressemblent finalement à tous les cours de toutes les écoles du monde, à une différence près : ceux-ci ont lieu dans un pays en guerre. Révélée avec sa fiction Jeunesse en sursis, sortie en France en 2022 après avoir été primée à la Berlinale, l’Ukrainienne Kateryna Gornostai raconte la guerre qui a lieu actuellement dans son pays, mais sans jamais la montrer. On en voit les traces bien sûr, comme lorsqu’elle filme des bâtiments à moitié effondrés. On en sent aussi le poids dans les esprits, Gornostai s’intéressant en premier lieu aux enfants.

Ce sont d’abord des lieux vides que l’on voit dans Timestamp, des lieux familiers qui deviennent étranges précisément parce qu’ils sont vides. Puis des déflagrations : on pense à des bombes, il s’agit finalement des bruits de ballons de basket. Car, aussi plate que peut être cette observation : la vie continue. Ou plutôt la vie s’arrête un temps, et reprend, comme lorsque la sirène d’alarme indique qu’il faut se réfugier au sous-sol. Les cours sont interrompus par une minute de silence, tandis qu’un examen peut être interrompu à tout moment. La guerre n’est pas visible à l’écran comme on l’a dit, mais elle est nécessairement dans tous les esprits.

Dans les groupes d’enfants que Kateryna Gornostai filme, il y a ici une fillette en pleurs, une autre dont l’esprit semble totalement ailleurs. Cela peut être le cas de n’importe quel enfant dans n’importe quelle classe d’un pays en paix, mais il est difficile de mettre totalement de côté le fait que des jeunes enfants sont confrontés quotidiennement à une angoisse trop grande pour elles et eux. Le documentaire se veut vivant et joyeux – et n’a pas à se forcer : certains moments sont vivants et joyeux. « Notre devoir est de préserver la beauté » commente, résilient, un professeur d’art. Timestamp n’enjolive pas les situations pour autant : lorsqu’une enseignante suggère que les enfants collent des smileys sur un mur pour exprimer leur humeur, un smiley triste se mêle aux smileys plus joyeux.

Les affrontements n’ont pas lieu directement dans ces villages et petites villes, mais le front n’est jamais loin. Une adolescente déclare qu’elle est « très bonne au fusil » et ces propos ne choquent plus personne. Rien n’est indestructible : une ville morte, une école mise à sac, une directrice d’école qui est assassinée. « Je ne sais pas comment expliquer comment on s’en sort : on ne s’en sort pas » répond honnêtement une soldate au sujet du traumatisme au combat. S’il y a des comportements héroïques, Timestamp n’est pas tant un récit de héros qu’un récit humain, bien ancré dans la vie de tous les jours. Ce sont les mêmes rentrées des classes, les mêmes cérémonies de diplômes, les traditions et les habitudes sont maintenues même dans un contexte tristement extraordinaire. Kateryna Gornostai filme ces contrastes de manière poignante dans ce témoignage profondément humaniste.

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par Nicolas Bardot

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