Anand, un citadin d’une trentaine d’années contraint de passer une période de deuil de 10 jours pour son père dans la campagne accidentée de l’ouest de l’Inde, se lie tendrement avec un fermier local qui lutte pour rester célibataire
Cactus Pears
Inde, 2025
De Rohan Kanawade
Durée : 1h52
Sortie : –
Note :
COMMENT TROUVER LES MOTS
Anand vient tout juste de perdre son père, mais le poids qui s’abat alors sur ses épaules semble avoir une origine supplémentaire que ce décès. Le voilà en effet contraint de quitter la ville et de repartir dans son village natal en compagnie de sa mère pour observer une période de deuil de dix jours et malgré ses protestations, Anand ne peut échapper au respect de cette tradition. Les scènes citadines et nocturnes qui ouvrent le film laissent alors rapidement place à un décor champêtre et clair, et pourtant on ne peut pas dire que tout respire la liberté. Outre les prémices d’un non-dit familial (la mère d’Anand insiste pour qu’il fasse croire à leurs proches qu’il a une fiancée), la liste des rituels à prendre aux sérieux est cadenassée. S’il y a un âge où il faut être marié, il y a aussi des jours où il ne faut pas se laver les cheveux ou ne pas manger de riz.
Anand retombe rapidement sur Balya, un ami d’enfance lui aussi célibataire. Leurs discussions laissent entendre que le lien qui les unissait autrefois était fort, même si la nature de celui-ci n’est délibérément jamais précisé. Rien n’est dit mais tout est visible entre les lignes pourtant subtiles du scénario. Ce début de récit évoquerait presque ceux des téléfilms de Noël archétypaux, mais Cactus Pears ne cherche pas à être un conte de fées. C’est l’histoire d’un amour, peut-être passé, peut-être renaissant ou contrarié, mais c’est surtout un drame bucolique sur le deuil et sur le voile de torpeur et de tristesse que celui-ci fait planer partout.
Le mot homosexualité n’est jamais prononcé et il faut attendre une bonne heure pour que les protagonistes s’embrassent pour de bon. Une interprétation trop précipitée pourrait faire craindre que le film fasse ainsi preuve d’une pudeur trop grande et pour tout dire désuète face à l’homosexualité des personnages. Ce n’est pas le cas. Les périphrases utilisées ici (« j’ai dit à ma mère pourquoi je ne voulais pas me marier », explique Anand) traduisent en réalité moins une difficulté à vivre (la mère d’Anand s’avère compréhensive et Balya confirme qu’il mène une vie rurale épanouie) qu’une difficulté à comprendre et exprimer ses sentiments.
A l’image de All We Imagine as Light, Cactus Pears tord finement le cou aux clichés simplistes qui voudraient opposer une vie citadine difficile à une campagne idyllique. Avec ce film semi-autobiographique, le cinéaste Rohan Parashuram Kanawade fait preuve de beaucoup d’élégance pour raconter et mettre en scène le spleen de son protagoniste. Le rythme général est parfois très langoureux mais les couleurs joliment délavées et le format 4:3 aux bords arrondis apportent une poésie bienvenue. Un an pile après la présentation de Girls Will be Girls qui a lancé une année cinématographique riche en reconnaissance internationale pour le cinéma indien, Cactus Pears vient de remporter le Grand Prix de la section fictions internationales à Sundance.
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par Gregory Coutaut