Critique : The Apprentice

L’ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l’avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.

The Apprentice
Canada, 2024
De Ali Abbasi

Durée : 2h00

Sortie : 09/10/2024

Note :

MONSTRES ACADEMY

« Les citoyens ont besoin de savoir si leur président est un escroc » : The Apprentice s’ouvre par une déclaration qui, entendue ici et maintenant, en France, ne manque pas de sel. Le film d’Ali Abbasi ne traite bien évidemment pas de la situation politique actuelle en France : nous assistons, au crépuscule de son mandat, à la déclaration d’un escroc notoire en la personne de Richard Nixon. Mais personne n’est venu voir un film sur Nixon ou sur le Watergate – cette affirmation est en fait un clin d’œil assez flagrant au futur Président des États-Unis et vrai sujet du long métrage : Donald Trump.

On découvre un jeune Donald Trump dans les années 70, yassified sous les traits de Sebastian Stan (ce dernier est convaincant après sa prestation dans A Different Man qui lui a valu le prix d’interprétation à la Berlinale en début d’année). Trump n’est d’abord qu’un nepo baby plutôt insignifiant, montré comme une baudruche qui se vomit dessus lorsqu’il est invité à la table chic des vrais adultes dans un bar. Le film, à travers un ton de farce cinglante, raconte le risque qu’il y a à faire croire aux garçons médiocres qu’ils sont des Robert Redford en puissance, et à persuader les imbéciles qu’ils sont des génies. Le scénario, écrit par le journaliste Gabriel Sherman, dépeint des créatures entre vampires aux dents longues et purs porcs, des garçons obsédés par la mise en scène de la virilité, des incultes qui peuvent voir Andy Warhol passer à côté d’eux sans le remarquer. Voilà la culture dont un Donald Trump et la plupart des masculinistes fachoïdes sont issus.

The Apprentice s’intéresse plus particulièrement à la relation entretenue par Donald Trump avec son mentor politique, Roy Cohn. Un rapport à la Dr Frankenstein et sa créature, où la référence horrifique est plus nette encore que dans le premier long d’Abbasi, le film fantastique Shelley. On a croisé d’autres monstres dans la filmographie du cinéaste, qu’ils soient gentils (Border) ou inhumains (Les Nuits de Mashhad). On pouvait déjà, au-delà de l’efficacité du récit, se questionner sur la pertinence du point de vue d’Abbasi dans Les Nuits de Mashhad (principalement sur la fascination exercée par le personnage du psychopathe). The Apprentice souffre lui aussi d’avoir un point de vue qui manque de risque et de mordant. Abbasi a travaillé avec des scénaristes différents à chaque film, et son meilleur long métrage reste, à nos yeux, Border. Ce dernier était coécrit par la Suédoise Isabella Eklöf, qui a montré qu’elle n’avait pas froid aux yeux avec ses propres films en tant que réalisatrice (Holiday, Kalak). Sans être véritablement complaisant, The Apprentice est régulièrement trop lisse à nos yeux et ses enjeux politiques ont parfois la profondeur d’une partie de Monopoly.

Le film, néanmoins, et ce comme les précédents longs métrages du cinéaste, fait preuve d’un savoir-faire de raconteur. La caméra dynamique, la patine d’image qui suit le temps qui passe (du grain 70s à l’image caméscope 80s – dont certains moments évoquent tout autant les années 90), les tubes d’époque pour souligner la reconstitution historique sont des éléments qui pourraient être des clichés – qui le sont parfois – mais qui participent aussi au confort de ce divertissement efficace. Mais un personnage tel que Donald Trump ne mériterait-il pas un film plus inconfortable ?

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par Nicolas Bardot

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