L’Étrange Festival | Critique : Mémoires d’un escargot

La vie de Grace Pudel, petite fille solitaire, collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture, a volé en éclats le jour de la mort de son père.

Mémoires d’un escargot
Australie, 2024
D’Adam Elliot

Durée : 1h34

Sortie : prochainement

Note :

COQUE COQUILLE

Grace porte mal son nom. Cette femme adulte est si solitaire et invisible que sa seule amie est une très vieille dame déjà sur son lit de mort. Quand cette dernière passe justement à trépas dès la première scène du film, Grace n’a personne d’autre à qui raconter sa vie qu’un escargot qui passe par là. Ca tombe bien, Grace s’est toujours identifiée à ces bêtes mal aimées cachées dans leur coquille. Ca tombe doublement bien puisque Grace a beaucoup de choses à verbaliser et que l’escargot est trop lent pour pouvoir fuir le récit de sa vie marginale et pathétique. Dans un effet comique récurrent, le long flash-back sur la jeunesse de Grace est d’ailleurs régulièrement interrompu pour mesurer l’absence de progrès de la lente bestiole assommée de paroles.

Le parallèle entre la lenteur mesurée de l’animal et la carrière d’Adam Elliot, cinéaste australien spécialiste du stop-motion, est trop flagrante pour ne pas être souligné. A l’exception d’un court métrage en 2015, Elliot n’avait en effet pas réalisé de film depuis Mary et Max en 2009. Le bien nommé Mémoires d’un escargot a nécessité pas moins de huit ans de préparation minutieuse avant de faire sa première mondiale très attendue au Festival d’Annecy, où il a d’ailleurs remporté le Cristal du meilleur film. Comme quoi qui va lentement va sûrement, une devise qui s’applique également parfaitement à sa protagoniste.

Moquée quotidiennement, affublée d’un bec de lièvre et cruellement séparée de son frère jumeau : la vie de Grace n’est pas un lit de roses, et « la tristesse était comme le quatrième membre de la famille ». Raconté dans des décors où tout (même le ciel) est marronnasse, avec des figurines très expressives aux sourires tristes et aux yeux cernés, ce récit n’y va pas avec le dos de la cuillère sur le pathos. Le film laisse néanmoins une place importante à l’humour, grâce à de nombreux détails burlesques, fantasques et même queer-coded. Surtout, il donne à cet humour la bonne place : pile en équilibre délicat entre compassion poignante et bouffées d’air frais farfelues. La manière qu’a Mémoires d’un escargot de vouloir atteindre l’émotion n’est pas toujours subtile, mais ce conte doux amer parvient à galvaniser les cœurs autant qu’à les briser.

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par Gregory Coutaut

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