Festival de Locarno | Critique : Crickets, It’s Your Turn

Merey, 25 ans, mène une vie tranquille mais heureuse à Almaty. Elle rencontre par hasard le charmant Nurlan, qui l’invite à une fête d’anniversaire dans les montagnes. Alors qu’elle s’attend à une simple soirée avec de nouveaux amis débute une nuit intense et mouvementée qui se transforme rapidement en un sombre jeu du chat et de la souris.

Crickets, It’s Your Turn
Kazakhstan, 2024
D’Olga Korotko

Durée : 1h45

Sortie : –

Note :

AU BAL MASQUÉ

Merey rencontre un beau garçon. Cela pourrait être un conte de fées, d’ailleurs la scène semble se dérouler comme au-dessus du réel, dans des paysages situés en plein ciel (les personnages se trouvent-ils littéralement au somment d’une montagne ?), mais il plane au-dessus de cette rencontre acidulée un drôle un nuage. Est-ce dû au fait que Merey est d’apparence si réservée que son prince charmant BCBG croit d’abord qu’elle est déguisée ? Intriguée par ce séducteur venu d’ailleurs qui la charme avec maladresse mais sans lourdeur, Merey accepte son invitation à une fête costumée organisée par ses amis.

La fiesta en question : dans un chalet décoré de portraits de Trump et de ballons souriants, des prostituées gloussent en découpant un gâteau en forme de gros seins. Derrière leurs masques affables, les amis du bel inconnu s’avèrent être des machos rustres qui s’imaginent rois du monde et maîtres de chaque femme. Merey est photographe, mais ce qui s’offre à son regard n’est ni beau ni très nouveau : la vantardise de l’entre-soi masculin est une farce si vieille et minable qu’elle ne fait plus rire personne. C’est d’ailleurs le sens du titre : quand une blague est ratée, les bruits de criquets viennent remplacer les rires.

La réalisatrice kazakhstanaise Olga Korotko s’était fait repérer avec Bad Bad Winter (présenté à l’Acid à Cannes en 2018), un premier long métrage étonnant qui mélangeait récit d’apprentissage dur et fable pleine de mauvais esprit. On retrouve un ton très similaire dans ce second film, dont la jubilatoire acidité peut évoquer Ulbolsyn d’un autre Kazakhstanais : Adilkhan Yerzhanov. Korotko partage avec ce dernier l’appétit pour un belle lumière, et fait preuve d’un sens aigu du détail et n’a pas peur de dévoiler le rire jaune derrière la cruauté, ou l’inverse. Crickets, It’s Your Turn aurait pu se contenter de rester sur cette note délicieusement méchante, mais le récit suit une structure aux virages pas toujours immédiatement convaincants.

Une partie du précieux malaise que l’on ressent ici tient dans le fait qu’on ignore si l’héroïne est réellement en grave danger face à ces mecs débiles qui voudraient lui faire ravaler sa fierté. Rejetant les interprétations faciles, la réalisatrice perd hélas progressivement son habileté au moment de manier le curseur de la cruauté. Elle nous met dans une position bien inconfortable en refusant de nous dire si l’on doit rire ou trembler devant ce qu’on voit. Est-on toujours dans une comédie noire ou un éprouvant home invasion ? L’absence de clarté, soulignée par l’irruption inexpliquée de référence au théâtre expérimental, a de quoi frustrer mais elle participe à l’imprévisibilité de ce film qui n’a finalement pas peur de grand chose.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article