Festival de Locarno | Critique : When the Phone Rang

À travers le reconstitution intime d’un important coup de téléphone, When the Phone Rang étudie la désagrégation et la nature du souvenir. Dans l’esprit de la protagoniste de 11 ans, cet appel efface totalement son pays, son histoire et son identité et en cache jusqu’à l’existence dans les livres, les films et les souvenirs des personnes nées avant 1995.

When the Phone Rang
Serbie, 2024
D’Iva Radivojević

Durée : 1h13

Sortie : –

Note :

TELEPHONE SECRET

« Tout cela s’est déroulé dans un pays qui n’existe plus » nous prévient une voix off d’entrée de jeu. Le « cela » en question, c’est un événement a priori dénué de tout enjeu : un simple coup de fil reçu par une adolescente. « Grand-père est mort », lui annonce sans tact une voix anonyme , et c’est tout. Quelques mots à peine, sans affect ni condoléances, comme s’il s’agissait en réalité d’un mot de passe secret (pour un peu, on y verrait presque un clin d’œil à la phrase « Dick Laurent is dead » qui ouvrait Lost Highway). Ce coup de fil dure quelques secondes à peine, puis la vie continue, du moins en apparence, car ce pays qui n’existe plus, c’est la Yougoslavie.

Née à Belgrade, la cinéaste Iva Radivojević est désormais basée à New York. Y a-t-il une part autobiographique dans cette fiction tournée en serbo-croate ? La réponse n’importe pas tant que ça, car l’ambition de When the Phone Rang dépasse le cadre de la simple reconstitution, si intime soit-elle. C’est bel et bien un film historique, mais à sa manière bien particulière. Après ce coup de fil, la vie a donc continué avec ses micro-événements banals tels qu’on est susceptibles de se les rappeler quand on a été une jeune fille qui s’ennuie. Il n’y a pas d’explosion ou d’événements digne des journaux télé dans le quotidien de l’héroïne, et pourtant il règne une tension soulignée par des plans réguliers sur une horloge murale et une voix off qui précise : « à cette heure-ci, le pays existait encore ».

Cette manière de générer du suspens en suivant pourtant l’inverse des recette habituelles est une drôle de formule qui fonctionne un temps mais s’essouffle sur la longueur, comme si le concept derrière cette fiction finissait par prendre le pas sur le ressenti. C’est paradoxalement dans son approche documentaire que When the Phone Rang retrouve son relief. Les images de Belgrade sont ici supposées illustrer la vie en 1992, elles possèdent même la texture graineuse des vidéos de l’époque, et pourtant elles ont été filmées aujourd’hui, sans que cela ne se remarque dans les paysages urbains, comme si rien n’avait changé. Derrière un récit un peu prétexte, ce film hybride émeut finalement par sa manière de cartographier un pays qui n’existe plus mais que l’on peut encore filmer.

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par Gregory Coutaut

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