Festival de Karlovy Vary | Critique : Night Has Come

Un groupe de jeunes aventuriers s’inscrit à l’un des cours de formation militaire les plus difficiles d’Amérique Latine, qui les transformera en redoutables guerriers.

Night Has Come
Pérou, 2024
De Paolo Tizón

Durée : 1h35

Sortie : –

Note :

PERDUS DANS LA NUIT

C’est sans doute paradoxal pour un documentaire, mais présenter Night Has Come en commençant par parler de son sujet n’est peut-être pas le meilleur moyen de rendre justice à ce singulier objet esthétique. Par un très intrigant paradoxe, le cinéaste péruvien Paolo Tizón (dont c’est ici le premier film) nous plonge de façon particulièrement immersive dans un univers dont il ne nous explique délibérément presque rien. Nous sommes au cœur de l’action (mais laquelle?) et pourtant tout est nimbé de mystère. Nous suivons des groupes de jeunes hommes filmés en très gros plan, qui parlent de tout et de rien et qui ont envie de jouer à la guerre, mais de quoi s’agit-il exactement ?

Pour préparer Night Has Come, Tizón a passé plusieurs mois aux côtés de jeunes soldats, des quasi-adolescents, suivant un programme d’entrainement militaire intensif dans une région du Pérou réputée particulièrement dangereuse en raison du trafic de drogue. Or, ces explications faisant office de résumé officiel ne sont en réalité jamais clairement énoncées à l’intérieur du film, qui n’offre aucune voix off, aucun carton ou intertitre venant expliquer le contexte social ou politique de ce que nous voyons. Cela pourrait passer pour une rétention d’informations aride, c’est au contraire une invitation à investir une place particulière en tant que spectateur. De fait, Night Has Come offre un effet d’immersion si saisissant qu’on se croirait dans une œuvre en VR.

Paolo Tizón alterne deux types de séquences. D’une part des scènes tournées au plus près de ces gamins et de leur humanité : pas vraiment torturés, ceux-ci échangent des anecdotes sur leurs mères ou leurs fiancées, avec une légèreté qui frise l’inconscience. De l’autre coté, les scènes d’entrainement militaires sont filmées de plus loin, faisant de ces soldats des petites silhouettes anonymes dans des immenses paysages où le profond silence n’est interrompu que par des coups de feu ou des ordres aboyés à distance (comme dans la superbe scène de parachute en ouverture). La violence de cet entrainement militaire finit par percer la carapace de ces mecs goguenards venus chercher on ne sait quelle expérience, et les entrainements se font de plus en plus éprouvants. Night Has Come n’est pas le genre de documentaire qui cherche à expliquer ou répondre à des questions, c’est avant tout une œuvre poétique intense, au rythme parfois exigeant mais visuellement puissante. On en ressort un peu sonné, avec l’impression d’avoir nous-mêmes participé à entrainement intensif hors du monde.

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par Gregory Coutaut

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